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BADIE (Bertrand)

La diplomatie des droits de l’Homme. Entre éthique et volonté de puissance
Paris : Fayard, 2002, 324 p., collection “ L’espace du politique ”, 20 euros
 

 

Politiste membre de l’école mondialiste des relations internationales (cousine française de l’approche world society développée par John Burton et ses épigones), le professeur Bertrand Badie entreprend dans ce riche ouvrage une critique du discours des droits de l’Homme sur la scène internationale, qui n’est plus seulement interétatique mais de plus en plus transnationale (pp. 269-313, thème dominant de l’approche mondialiste qui s’oppose à l’approche réaliste qui, statocentrique, ne reconnaît guère que le jeu des égoïsmes nationaux comme paradigme d’une société internationale anarchique), et de l’apparition d’une “ humanité méta-souveraine ”, justification de diverses formes d’intervention. Il ne s’agit donc pas d’un livre de droit, mais d’une éclairante étude politique dont les juristes tireront grandement profit, en dépit de quelques menues erreurs factuelles et imprécisions terminologiques (ex. tribunal international pénal au lieu de Cour pénale internationale, p. 95), pour mieux appréhender la place des normes dans notre monde en transition.

 

Au niveau des valeurs fondant la société internationale, l’auteur rappelle le long cheminement vers la reconnaissance universelle des droits de l’Homme (pp. 19-82) pouvant être interprétée comme la victoire de Kant et Rousseau sur Hobbes. Au niveau des pratiques, il recense les invocations et applications des droits de l’Homme par les Etats, tout en soulignant leurs paradoxes, tels que le couplage de la promotion des droits de la personne par la diplomatie états-unienne avec le soutien à l’islamisme en tant que rempart contre le matérialisme soviétique (p. 89), ou en dénonçant l’hypocrisie des grandes puissances occidentales qui continuent à soutenir des régimes peu recommandables (pp. 102-113), ainsi qu'en mettant en garde contre le risque, en imposant par les armes la démocratie, de favoriser le repli identitaire et le rejet des normes internationales (pp. 155-164). La combinaison de ces valeurs et pratiques modifie les rapports interétatiques car “ il ne saurait y avoir de diplomatie des droits de l’Homme sans droit de regard sur l’autre et sans accepter que l’autre porte un regard sur soi : difficile et périlleuse dialectique qui fait de l’ingérence l’accompagnement obligé d’une telle diplomatie et de l’abandon de la souveraineté le débouché naturel et tacitement accepté de la logique qu’elle instaure” (p. 91).

 

On peut toutefois considérer que contrairement à ce qu’affirme le professeur Badie, il ne s’agit pas d’un abandon du modèle westphalien puisque l’organisation du monde en Etats souverains et égaux a pour corollaires non seulement la prohibition de l’ingérence, mais aussi l’institution d’un système de surveillance mutuelle. Si nouveauté il y a, elle réside donc dans l’accentuation de ce dernier élément. En revanche, on ne peut qu’être d’accord avec les constats que “ les ONG et les acteurs de la société civile, notamment les syndicats, ont accédé à davantage de force et de visibilité ” (p. 122) et que “ la sécurité recherchée aujourd’hui ne ressemble plus à celle d’hier : autrefois, la démocratie pouvait être dénoncée comme instable, voire capable de menacer certains privilèges ; aujourd’hui, on retourne volontiers le compliment aux dictateurs, dont la corruption dérange les intérêts les mieux installés et dont l’arbitraire engendre les turbulences les moins rassurantes” (p. 123).

 

Enfin, on tirera bénéfice de l’analyse de la “ judiciarisation du monde ” (pp. 222-232) et de l’émergence d’un “ nouvel ordre humanitaire ” (pp.258-268), éléments constitutifs d’une véritable communauté internationale à venir. Pour l’instant, on ne peut qu’observer que “ l’interdépendance qui façonne notre monde contemporain conduit lentement mais sûrement à une élaboration empirique de règles nouvelles, dont la transgression conduit à intervenir : règles distinctes du droit international, plus morales que formelles (…) dont le bricolage quotidien dessine le contour d’un humanisme transnational. ” (p. 321).

 

Philippe Ch.-A. Guillot

 

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CREMONA (J.J.)

Selected papers (T. II), 1990-2000

Malta : Publishers Enterprises Group Ltd, 2002

 

L’éminent juriste maltais J.J. Cremona ajoute à ses “ Selected Papers ” de 1946-1990 ceux de 1990-2000. Il y livre un choix révélateur d’une belle production doctrinale inventoriée aux pages 143 à 147, et d’une exceptionnelle expérience de juge, de praticien et d’enseignant du droit international et du droit constitutionnel.

 

L’ancien vice-président de la Cour européenne des droits de l’Homme s’attache à deux fondements de la jurisprudence de cette juridiction : la proportionnalité (p. 31) et la Rule of law (p. 53). Puis il traite de quelques droits spécifiques : droits de l’accusé à un interprète (art. 6 § 3), p. 43) et à être présent au tribunal (p. 91), et de deux droits politiques : la liberté d’expression (art. 10, p. 16) et le droit à de libres élections (art. 3 du protocole I, p. 68), droit qui traduit son intérêt pour la Constitution.

 

Mais l’ancien Chief of Justice et ancien Président de Malte est des plus qualifiés aussi pour traiter, outre la présence de l’accusé dans la procédure maltaise (p. 91), de la “ Documentation ” - en réalité des instruments officiels – sur les droits de l’Homme à Malte (p. 110) et de la suprématie de la Constitution maltaise sur les lois (section 6 de la Constitution, p. 129).

 

Ces pages très vivantes expriment une expérience exceptionnelle, une exposition claire et juste, un jugement lucide et constructif, et confirme la ferme autorité de leur rédacteur et l’ampleur de sa contribution au Droit.

 

Raymond Goy

 

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TAVERNIER (Paul) (dir.)

Recueil juridique des droits de l'Homme en Afrique (1996-2000)

Bruxelles : Bruylant, 2002, XXIII+1312 p., collection CREDHO, n° 2, 90 euros

 

Fruit de la collaboration du CREDHO Paris-Sud et du Centre for Human Rights de Pretoria, le Recueil juridique des droits de l'Homme en Afrique se présente comme le pendant francophone des Human Rights Law in Africa Series. Le Recueil rassemble en effet dans son premier volume l'essentiel des informations collectées par la revue anglo-saxonne depuis 1996 et se compose pareillement de trois parties correspondant aux aspects universel, régional et nationaux de la protection des droits de l'Homme en Afrique.

 

C'est ainsi que le premier rapport, rédigé par le Professeur Paul TAVERNIER et Isabelle CAPETTE, met l'accent sur les instruments internationaux de protection des droits de l'Homme en vigueur dans les Etats africains, les conditions de leur mise en œuvre et le rôle central joué par l'Organisation des Nations Unies dans la promotion et le respect de ces droits. Viennent ensuite la contribution de Frans VILJOEN, qui examine la protection juridique des droits de l'Homme offerte par l'OUA, et celle de Jean-François AKANDJI KOMBE, qui évalue l'influence des accords conclus entre l'Union européenne et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique et celle de la francophonie sur la mise en œuvre des droits de l'Homme en Afrique. Quant au dernier volet du Recueil, il se présente sous la forme d'une étude systématique des droits nationaux africains. Trente-six Etats africains y font en effet l'objet d'une notice individuelle et fouillée qui dépeint leur situation géographique, économique et politique et fournit les repères historiques essentiels à la compréhension de l'évolution de la protection des droits de l'Homme ainsi qu'une liste des ONG œuvrant pour les droits de l'Homme sur leur territoire et des instruments juridiques qu'ils ont ratifiés. Les dispositions constitutionnelles de chaque Etat relatives aux droits de l'Homme sont également reproduites.

 

Bien que les rapports évoqués présentent la promotion et le respect des droits de l'Homme en Afrique sous des angles différents, ils ont en commun de fournir des informations aussi précises que possible sur leur thème d'étude, complétées par de riches bibliographies thématiques et une importante bibliographie générale qui comprend des références anglophones et francophones. De plus, ils fournissent une vision critique des mécanismes destinés à assurer le respect des droits de l'Homme en Afrique : si les progrès faits en la matière sont soulignés, les failles des systèmes universel, régional et nationaux n'en sont pas moins dénoncées. Aussi le Recueil ne manquera-t-il pas d'intéresser le plus grand nombre, du juriste au politicien en passant par les citoyens, d'Afrique et d'ailleurs. Et cet intérêt devrait aller croissant dans la mesure où les 17 Etats qui n'ont pas fait l'objet d'une notice individuelle seront progressivement intégrés au Recueil. Il faut espérer que la diffusion de cet ouvrage sera largement assurée car la traduction en langue française de textes rédigés en anglais et souvent difficiles d'accès, ainsi que l'analyse pointue qui en est faite, en font un instrument privilégié de la promotion des droits de l'Homme et contribue par conséquent à leur respect.

 

Céline Renaut

 

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Institut pour les droits humains et le développement (Banjul, Gambie), Compilation des décisions sur les communications de la Commission africaine des droits de l’Homme et des Peuples. Extraits des rapports d’activités 1994-2001, Banjul : Institut pour les droits humains et le développement, 2002, VIII-464 p.

 

Cette compilation des décisions prises par la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples dans le cadre des communications présentées en vertu de l’article 55 de la Charte vient à son heure et constitue un instrument de travail extrêmement précieux pour la connaissance d’une “ jurisprudence ” apparue timidement à partir de 1994. Celle-ci s’affirme de plus en plus en s’inspirant du modèle du Comité des droits de l’Homme des Nations Unies, mais elle peut s’appuyer, à la différence de celui-ci, sur un instrument englobant l’ensemble des droits de l’Homme et des peuples et pas seulement les droits civils et politiques. Un tel avantage vient de trouver une confirmation éclatante avec la décision du 27 mai 2002 concernant l’Ogoniland au Nigeria où la Commission africaine a reconnu la violation par le Nigeria de plusieurs articles de la Charte et notamment de l’article 24 qui consacre le droit à un environnement “ satisfaisant et global ” (voir à ce sujet le commentaire de Dinah Shelton dans l’American Journal of International Law, vol. 96, n° 4, october 2002, pp. 937-942). Souhaitons que cette jurisprudence novatrice et en pleine expansion, qui est maintenant facilement accessible au public francophone (une édition anglaise de l’ouvrage est également disponible) grâce à la Compilation publiée par l’Institut de Banjul, suscite de nombreuses analyses et études. Celles-ci sont en effet encore peu nombreuses [voir par exemple, Frans Viljoen, “ Vue d’ensemble du système régional africain des droits de l’Homme ”, pp. 323-447, notamment pp. 369-408, in Paul Tavernier (sous la direction de), Recueil juridique des droits de l’Homme en Afrique (1996-2000), Bruxelles : Bruylant, 2002, XXIII-1312 p.]. Souhaitons également que cette deuxième édition de la Compilation soit mieux diffusée que la première qui était restée confidentielle et qu’elle soit suivie bientôt d’une troisième édition.

 

Paul Tavernier

 

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MOULIER (Isabelle)

Namibie. GANUPT (1989-1990)

Paris : Editions Pedone, 2002, 230 p., coll. CEDIN Paris I, L’ONU et les opérations de maintien de la paix

 

Cet ouvrage s’inscrit dans la collection du CEDIN consacrée aux opérations de maintien de la paix qui compte déjà un nombre impressionnant de titres. Dans ce cadre, Isabelle Moulier nous présente avec beaucoup de précision et de clarté les difficultés rencontrées pour mettre en place ce qu’elle considère comme “ l’archétype d’une opération de maintien de la paix de la seconde génération ” (1ère partie). Puis elle expose comment le GANUPT (Groupe d’assistance des Nations Unies pour la période de transition en Namibie) a contribué à la naissance d’une Nation (2ème partie). L’auteur s’attache non seulement à montrer les obstacles et les embûches que les Nations Unies ont dû surmonter dans la mise en œuvre effective du plan d’indépendance, mais elle consacre d’importants développements à tirer les leçons de cette opération exemplaire, à bien des égards, et qui servit pour d’autres expériences ultérieures, dans des contextes bien différents (notamment au Cambodge).

 

L’étude d’Isabelle Moulier n’intéressera pas uniquement ceux que préoccupent les questions de la sécurité internationale et du maintien de la paix : elle aborde de nombreux problèmes qui touchent aux droits de l’Homme. En effet, l’opération mise en place en Namibie avait pour but essentiel de permettre l’exercice par le peuple namibien du droit à l’autodétermination, inscrit en tête des deux Pactes des Nations Unies relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels, et des droits civils et politiques. L’obstacle majeur à cet exercice était constitué par la présence sur place du régime sud-africain pratiquant une politique d’apartheid dénoncée depuis de nombreuses années par les Nations Unies comme une violation massive des droits de l’homme. Sur tous ces points, on trouvera des informations précises, notamment sur l’important travail réalisé par le GANUPT pour préparer le processus électoral et assurer son bon déroulement. Jamais jusqu’alors les Nations Unies n’étaient allées aussi loin dans la gestion des questions qui relèvent de la compétence des Etats. D’autres aspects touchent aussi au respect des droits de l’Homme et sont mentionnés, en particulier l’opération de rapatriement des réfugiés.

 

En définitive Isabelle Moulier a raison de souligner dans sa conclusion que “ dans le cadre des opérations de maintien de la paix de la seconde génération, la mise en œuvre de la notion de democracy building revêt un caractère fondamental ”. On ne peut donc que recommander la lecture de cette très utile monographie qui invite à la réflexion. On formulera toutefois un regret : l’auteur ne fait pas ressortir suffisamment, à notre avis, que le GANUPT avait été mis sur pied – et sur le papier – dès 1978 et qu’il a fallu attendre plus de dix ans pour surmonter les contradictions et être en mesure de déployer cette opération sur le terrain. Cela ne tient probablement pas tellement à la fin de la guerre froide, mais plutôt à l’évolution, très lente, du rapport des forces entre un mouvement de libération finalement assez faible en dépit de l’appui de la Communauté internationale, et un Etat, pratiquant l’apartheid et mis au ban de l’ONU, mais qui se révélait cependant extrêmement puissant.

 

            Paul Tavernier

 

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GOY (Raymond)

La Cour internationale de Justice et les droits de l’Homme

Bruxelles : Nemesis-Bruylant, 2002, 222 p.

 

Raymond Goy avait déjà donné une étude sur “ La Cour permanente de Justice internationale et les droits de l’Homme ” parue dans le Liber Amicorum Marc-André Eissen (Bruxelles : Bruylant, 1995, pp. 199-232). L’ouvrage qu’il publie maintenant prolonge cette étude en montrant que “ l ‘apport de la jurisprudence de la Cour de La Haye en matière de droits de l’Homme ne saurait être sous-estimé, mais reste trop modeste ”. Il semble avoir atteint son apogée avec le fameux dictum rendu dans l’affaire de la Barcelona Traction en 1970 qui a fait couler beaucoup d’encre… Mais en dehors de cette consécration du jus cogens, largement admise désormais bien qu’elle soit encore discutée, l’auteur nous montre, par une étude minutieuse des arrêts et des avis consultatifs, mais aussi des opinions séparées, concordantes et dissidentes de certains juges, que la Cour internationale de Justice a contribué à une protection accrue des droits de l’Homme (sur le plan de leur reconnaissance internationale et de leur garantie) et à une protection diversifiée (de nombreux droits ayant été évoqués devant elle : droits civils et politiques, mais aussi droits économiques, sociaux et culturels et certains droits “ globaux ”. Dans sa conclusion, Raymond Goy suggère des réformes pour améliorer la garantie, permettant une sorte d’actio popularis. Mais cela suppose une révision du Statut de la Cour et l’accord des Etats, ce qui posera certainement problème.

 

L’ouvrage est complété par d’abondantes annexes reproduisant les passages principaux des décisions de la Cour et des opinions des juges (pp. 129-205). Un index alphabétique facilite la consultation.

 

Paul Tavernier

 

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BERNARDET (Philippe), DOURAKI (Thomaïs) et VAILLANT (Corinne)

Psychiatrie, droits de l’Homme et défense des usagers en Europe

Ramonville Saint-Agne : Erès, 2002, 359 p.

 

Cet ouvrage est le fruit de la collaboration d’un sociologue, Philippe Bernardet, d’une juriste spécialiste du droit de la santé mentale et correspondante du CREDHO en Grèce, Thomaïs Douraki et d’une avocate au Barreau de Paris, Corinne Vaillant. Cette collaboration a abouti à un livre dense et qui suscite la réflexion sur les problèmes complexes auxquels les sociétés européennes sont confrontées depuis longtemps et notamment depuis le XIXème siècle, la loi française de 1838 ayant constitué à l’époque un grand progrès en instaurant l’obligation d’organiser l’assistance aux aliénés. Toutefois à l’exclusion, moyen de la spécialisation et de l’assistance, a succédé l’ouverture de l’asile comme mode d’accès au soin et l’affirmation des droits des patients et de la dignité du malade, sous la pression des associations de patients et de professionnels. Après avoir posé les problèmes d’une manière générale dans le premier chapitre, les auteurs envisagent ensuite les législations et la jurisprudence des pays européens. L’étude comparative des critères de contrainte, des pouvoirs du juge et des solutions jurisprudentielles est extrêmement poussée. Les aspects proprement internationaux sont ensuite abordés et font l’objet d’amples développements. L’accent est mis sur la contribution du Conseil de l’Europe en la matière, et particulièrement sur l’apport de la Convention européenne des droits de l’Homme, avec l’abondante jurisprudence que les organes de la Convention ont élaborée sur le sujet : les principales affaires sont analysées en détail alors qu’une liste exhaustive, chronologique et par pays, figure en annexe (pp. 335-340).

 

Les limites du contrôle européen ne sont pas passées sous silence, notamment l’importante marge d’appréciation laissée aux Etats ou la possibilité d’écarter une requête comme étant manifestement mal fondée ou incompatible avec les dispositions de la Convention.

 

On ne peut qu’être impressionné par l’ampleur et la profondeur des réflexions que les auteurs de cet ouvrage nous présentent sur des sujets très délicats et d’une brûlante actualité, comme en témoignent les quatre arrêts rendus par la Cour de Strasbourg en 2002 contre la France sur des problèmes d’internement psychiatrique (violation des articles 5 et 6 de la Convention).

 

Paul Tavernier

 

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ALDEEB ABU-SAHLIEH (Samir A.)

Les Musulmans en Occident entre droits et devoirs (préface de Guy Hennebelle)

Paris : L’Harmattan, 2001, 296 p.

et

Cimetière musulman en Occident. Normes juives, chrétiennes et musulmanes (préface de Michel Rossetti)

Paris : L’Harmattan, 2002, 168 p.

 

L’auteur de ces deux ouvrages a publié déjà de nombreuses études sur la conception (ou les conceptions) musulmane(s) des droits de l’Homme et les conceptions qu’il qualifie d’  “ occidentales ” (voir les comptes-rendus d’Abdelwahab Biad dans la bibliographie “ Islam et droits de l’Homme ”). On retrouve ici les qualités et les limites de la méthode de raisonnement et d’exposition des problèmes qu’il a adoptée. L’un des plus grands mérites de ce chrétien palestinien qui vit en Suisse est d’obliger les Européens à réfléchir aux relations qui doivent s’établir avec les Musulmans qui vivent sur leur continent. On trouvera donc dans ces deux livres qui se complètent, le deuxième reprenant et développant le dernier chapitre du premier, une information précise et détaillée sur pratiquement tous les aspects religieux et juridiques du statut des Musulmans en Suisse : reconnaissance de l’Islam, liberté de religion et de culte, école, droit de la famille (appelé curieusement “ droit de famille ”), interdits alimentaires, et cimetières religieux. Cet exposé (figurant dans la 3ème partie) occupe les trois quarts de l’ouvrage sur les Musulmans en Occident (pp. 73-256) alors que les deux premières parties consacrées respectivement à la conception musulmane des minorités et aux minorités en Suisse, ne représentent qu’un quart de l’ensemble.

 

L’auteur nous invite donc à participer à ce grand débat entre l’Islam et les autres conceptions du Monde et ne peut laisser indifférent tous ceux qui sont attachés non seulement au dialogue des cultures et des civilisations, de préférence au choc de celles-ci, mais aussi – et surtout – à l’universalité des droits de l’Homme. La contribution d’Aldeeb Abu-Salieh à ce débat est précieuse par la somme des informations qu’elle fournit. Cependant l’auteur s’arrête en chemin et le lecteur reste sur sa faim. Il use – et abuse – des citations, il confronte systématiquement les normes musulmanes et les normes suisses (dans le premier ouvrage), les normes juives, chrétiennes, musulmanes et suisses dans l’ouvrage consacré aux cimetières, mais il propose rarement un diagnostic et une solution aux contradictions qui ressortent –implicitement- de son exposé. Il est d’ailleurs conscient de cette limite puisque, citant Mahomet dans l’introduction à son premier ouvrage, il revendique le bénéfice de l’effort, même si le jugement n’est pas approprié. L’effort d’information et de documentation est incontestable et très sérieux, en revanche, le jugement est souvent absent. Il apparaît brièvement dans la conclusion du premier ouvrage où le ton est malheureusement trop polémique par rapport au style général du livre et les contradictions personnelles de l’auteur apparaissent nettement en filigrane. En revanche, et quelque peu paradoxalement, la conclusion de l’ouvrage sur les cimetières est beaucoup plus ferme. Aldeeb Abu-Salieh préconise la paix des morts et nous ne pouvons que souscrire à son appel en ce sens : “ Mettons donc un terme à nos vanités et à nos pensées malsaines et acceptons-nous les uns les autres, tant vivants que morts ”.

 

Par ailleurs, l’auteur soutient que l’Islam, comme le christianisme ou le judaïsme, sont des notions abstraites qui n’existent pas. En revanche, il emploie abondamment la notion d’  “ Occident ” et d’occidental qui nous paraît tout aussi abstraite. Est-ce une notion géographique, politique, idéologique ou religieuse ? De plus, la plupart de ses développements se limitent au cas suisse, qui est certes un Etat européen occidental, mais une telle limitation diminue beaucoup la force probante de la démonstration et la valeur scientifique de l’étude (on peut noter à cet égard que la jurisprudence des organes de la Convention européenne des droits de l’Homme n’est mentionnée que dans la mesure où elle est citée par les tribunaux suisses, ce qui est très restrictif).

 

Un autre défaut de ces deux ouvrages est d’esquiver le problème fondamental et central de la laïcité, notion dont les racines chrétiennes sont incontestables, mais qui revêt diverses formes et devrait pouvoir intégrer les exigences d’un islam ijtihadi, c’est-à-dire “ aggiornamentisé ” selon la formule de Guy Hennebelle. Michel Rossetti a parfaitement raison d’attirer l’attention sur ce problème capital.

 

Malgré les défauts méthodologiques, on ne peut que recommander la lecture de ces deux ouvrages qui contribuent à diminuer les incompréhensions et les ignorances entre les cultures.

 

Paul Tavernier

 

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HENZELIN (Marc) et ROTH (Robert) (sous la direction de)

Le droit pénal à l’épreuve de l’internationalisation

Paris/Genève/Bruxelles : LGDJ/Georg/Bruylant, 2002, XVII-355 p.

 

Le droit pénal et l’Etat apparaissaient traditionnellement comme indissociables, mais on assiste actuellement à un mouvement d’internationalisation. C’est à l’interaction de ces deux logiques, nationale et internationale, que s’étaient intéressés les participants au colloque organisé en mars 2001 à l’Université de Genève. L’ouvrage recensé présente leurs contributions, qui sont toutes de grande qualité, et montre les difficultés d’une justice pénale internationale. La matière est divisée en quatre parties consacrées à l’émergence du droit pénal international, à la mise en place de celui-ci, aux principes pénaux en droit pénal international et à la punition des criminels internationaux.

 

Des réflexions de ces universitaires et de ces praticiens se dégage la diversité de l’approche des droits nationaux et du droit international, mais aussi du droit pénal et des droits de l’Homme. Serge Sur souligne que les tribunaux pénaux internationaux et la Cour pénale internationale obéissent à deux logiques opposées, celle du retour à la paix dans un cas et celle d’une justice autonome dans l’autre. Quant à Marc Henzelin, dans une longue étude, il met en lumière le “ choc des cultures ” entre le droit international pénal et les droits pénaux étatiques. Marco Sassoli présente le cas très particulier des territoires se trouvant sous administration internationale (Kosovo et Timor-oriental) : celui-ci pose dans des termes tout à fait spécifiques la problématique des rapports entre droit international pénal et droit pénal interne. Alors qu’on pouvait croire que droit pénal international et droit international des droits de l’Homme étaient complémentaires, William Schabas se demande s’il ne s’agit pas de “ faux frères ” et montre leurs différences, en analysant notamment la jurisprudence des tribunaux pénaux internationaux. Plusieurs autres contributions vont dans le même sens. Le juge Vandermeersch montre, à travers l’exemple belge, les limites de la compétence universelle du fait de l’immunité attachée à la qualité officielle. Quant à la fonction punitive, elle ne répond pas à la même nécessité en droit pénal interne et international (Kai Ambos) et l’absence de légalité des peines et l’indétermination dans l’échelle des peines devant les tribunaux pénaux internationaux peut surprendre le pénaliste non internationaliste (Pierrette Poncella).

 

De cette confrontation des logiques du droit pénal et du droit international, mais aussi du droit pénal et des droits de l’Homme, il résulte un ouvrage très stimulant, dont la lecture doit être recommandée pour tous ceux qui veulent comprendre ce formidable développement du droit pénal international et de la justice pénale internationale auquel nous assistons actuellement.

 

Paul Tavernier

 

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FORTON (Jac)

L’affaire Pinochet. La justice impossible

Paris : L’Entreligne/Amnesty International, 2002, 288 p.

 

Un dossier complet et bien documenté qui retrace la longue histoire de cette affaire, notamment la période de la dictature (1973-1990) et la période d’impunité (1990-1998) suivie par les nombreuses péripéties depuis l’arrestation du dictateur en octobre 1998, la scène se déroulant essentiellement à Londres et à Santiago du Chili, mais aussi éventuellement en France si un procès par contumace était organisé. Ce livre militant fourmille d’informations parfois mal connues et qui seront utiles pour tous ceux qui s’intéressent au respect des droits de l’Homme et à la Justice.

 

Paul Tavernier

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