CREDHO CREDHO
Centre de recherches et d'études sur les droits de l'Homme et le droit humanitaire

ACCUEIL LE CREDHO CEDH BIBLIOGRAPHIE THESES ENSEIGNEMENTS LIENS

BIBLIOGRAPHIE FRANCOPHONE SUR LES DROITS DE L'HOMME ET LE DROIT HUMANITAIRE

BIBLIOGRAPHIE

Ouvrages et articles récents
Ouvrages et articles publiés depuis 1987
Notes de lecture
Islam et Droits de l'Homme

Islam et Droits de l'Homme

 

DAMAD (S. Mustafa Mohaghegh), “The Law of War in Islam”, Law and Judicial Review of the Judiciary of the Islamic Republic of Iran, vol.I, n°2, 1992, pp. 7-23 & vol.I, n°3, 1992, pp. 45-60.

 

Dans cet article l’auteur, juge et membre de l’Académie iranienne des sciences, rappelle que l’Islam ne tolère la guerre que pour repousser une agression ennemie, puisque, selon le Coran, Dieu n’aime pas les agresseurs (Sourate IX, verset 5). M. Damad opère ensuite une distinction entre les termes utilisés dans le Coran pour désigner la guerre en tant qu’hostilités (‘harb), combat (qital) et  “ guerre sainte dans la voie de Dieu ” (Jihad fi sabil Allah). Le Jihad ou Djihad peut être un combat mené contre un ennemi, contre le diable mais aussi contre soi-même, ou plus précisément contre nos propres ennemis que sont les mauvaises passions et les désirs sensuels (Jihad akbar).

 

 Ainsi, M. Damad s’attache à démontrer que le but du Jihad n’est pas l’éradication des infidèles, mais une quête spirituelle. Au regard du Coran - dont 260 versets seulement (soit 4% du livre) se réfèrent à la guerre sainte -  le Jihad ne peut être décrété que pour repousser une agression ou une menace d’agression contre les musulmans, leur territoire et leurs biens (XXII, 40 à 43),  pour contrer les obstacles à la propagation de l’Islam (XVIII, 29) et pour porter secours aux opprimés (IV, 75). En revanche, le Coran interdit de combattre pour soutenir une rébellion ou un pouvoir despotique (V, 79), ou pour satisfaire la vanité et la cupidité (VIII, 49 & 67). Le jus ad bellum islamique ne nécessite pas de déclaration de guerre lorsque l’ennemi attaque ou lorsqu’il rompt un pacte, mais dans les autres cas une déclaration de guerre et un ultimatum (nabdh) sont indispensables.

 

Quant au jus in bello, le droit islamique interdit de tuer les femmes, les enfants, les vieillards, les aveugles, les invalides, les malades mentaux, les ermites, les paysans, les artisans, les commerçants et les boutiquiers. L’emploi de poison contre l’ennemi est prohibé. On ne doit pas brûler le corps des ennemis, même après leur mort. Il ne faut ni couper les arbres, ni enflammer les récoltes, ni assécher les ressources d’eau potable. Les civils ressortissants d’un État ennemi ne se livrant pas à des activités subversives ou d’espionnage doivent être expulsés du territoire islamique vers un lieu sûr.

 

Passant ensuite en revue la conduite de la guerre par les quatre premiers califes et par l’Iman Ali et l’oeuvre des jurisconsultes (faqihs), l’auteur s’attache à montrer les aspects humanitaires de l’Islam et souligne l’importance qu’attache le Coran au respect de la parole donnée (V, 1), au pardon (III, 128; VII, 196; XVII, 37) et au respect des droits légitimes de l’ennemi.

 

Ph. G.

 

haut de la page

 

KARMI (Ghada), COTRAN (Eugene) (Eds), The Palestinian Exodus 1948-1998, Reading : Ithaca Press, 1998, 272 p.

 

C’est un ouvrage sur un problème peu traité en matière de respect du Droit international humanitaire, celui des réfugiés obligés de quitter leurs terres sous l’effet des conflits israélo-arabes. Le problème des réfugiés palestiniens n’est toujours pas résolu cinquante ans après.  Pour les auteurs, le problème s’est même aggravé avec la poursuite de l’expulsion de Palestiniens de Jérusalem. L’ouvrage établit clairement le rapport entre l’exode des réfugiés palestiniens et la création de l’État d’Israël. La question des réparations et du droit au retour est évoquée comme élément central de la résolution du conflit israélo-palestinien et de l’établissement d’une paix juste et durable au Moyen-Orient. Cet ouvrage qui porte sur un des problèmes humanitaires le plus délicat depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale rassemble les contributions d’universitaires historiens et juristes spécialistes de la région et de la question des réfugiés.  Il peut être conseillé non seulement aux spécialistes du droit des réfugiés, des droits de l’Homme ou du droit international humanitaire, mais aussi à toute personne désireuse de connaître les racines du conflit du Moyen-Orient.

 

A. B.

 

haut de la page

 

MAZZAWI (Musa), Palestine and the Law : Guidelines for the Revolution of the Arab-Israel Conflict, Reading : Ithaca Press, 1997, 444 p.

 

Voilà un ouvrage qui examine la question palestinienne et le conflit israélo-arabe essentiellement du point de vue du droit. Il analyse les aspects juridiques de ce conflit en remontant à la Première guerre mondiale (Accord Sykes-Picot) et jusqu’aux Accords d’Oslo. L’auteur adopte une approche résolument critique notamment à propos de la Déclaration de Principes signée à Washington en septembre 1993 considérant qu’elle est insuffisante en matière de garanties des droits des Palestiniens. Les défauts qu’il attribue au processus de paix résident dans l’absence de définition des “droits inaliénables du peuple palestinien”, dans l’insuffisance des garanties accordées aux réfugiés quant à l’exercice de leurs droits. Il souligne que les divergences qui opposent Arabes et Israéliens à propos de l’interprétation de la résolution 242 du Conseil de sécurité (1967) et sur le statut final de Jérusalem et des autres territoires occupés constituent des questions clefs que les accords conclus dans le cadre du processus de paix n’ont pas clarifiés (question de l'application de la IVe Convention de Genève aux territoires arabes occupés par Israël notamment). On peut saluer l’auteur pour nous avoir fourni ici une grille de lecture critique fondée sur le droit international. Il est vrai que dans le conflit israélo-palestinien les règles et les principes régissant le droit international en général et le droit des peuples en particulier ont été largement ignorés.

 

A. B.

 

haut de la page

 

REVUE INTERNATIONALE DE LA CROIX-ROUGE, Religion et droit international humanitaire, Vol. 87, n° 858, juin 2005

 

Cette livraison de la Revue internationale de la Croix–Rouge consacrée aux religions vient à point nommé. La théorie du « choc des civilisations » qui refait surface sous fond de lutte contre le terrorisme d’Al Quaïda impose de recadrer la réflexion sur la contribution des religions à la violence et à la guerre, mais aussi au dialogue et à la paix. Car comme le souligne l’éditorial de Toni Pfanner, les religions, et les religions monothéistes en particulier, jouent un rôle ambivalent, à la fois constructif (apaiser les esprits) et destructif (attiser la violence). Les principes et les règles régissant les rapports interétatiques, la diplomatie, la guerre et la paix ont été définis non seulement par le droit international séculier, mais aussi par les différentes traditions religieuses. Toutefois, dans les traditions religieuses aucune distinction n’est faite entre jus ad bellum et jus in bello.

 

Des articles sont consacrés à l’islam, à l’hindouisme, au judaïsme et à leurs rapports au droit international, et en particulier au DIH. Il s’avère à l’analyse que les principales traditions religieuses reconnaissent certaines des règles consacrées aujourd’hui par le DIH, notamment la distinction entre civils et combattants, la notion de proportionnalité et l’obligation d’assister les victimes. Hans Küng (pp. 253-268), croit que l’accusation selon laquelle les trois religions monothéistes seraient plus portées au recours à la force que les autres religions est justifiée par la glorification de la guerre sainte au nom de Yahvé, de la Croix ou d’Allah, mais que cette glorification doit être contextualisée. Une relecture et une réinterprétation de ces traditions religieuses s’imposeraient donc à la lumière des exigences contemporaines.

 

 Sheikh Wahbeh al-Zuhili de l’Université de Damas (pp. 269-283) nous rappelle les règles islamiques régissant les rapports interétatiques en temps de paix et de guerre : règles qui distinguent Musulmans et peuples du Livre (Juifs et Chrétiens), mais aussi territoires de l’Islam (dar al islam), territoire de la guerre  (dar al harb) et territoire de la trêve (dar al solh). Il revient sur le débat relatif à la définition du jihad, mais on est un peu étonné de l’affirmation selon laquelle, la religion ne peut être le motif d’une guerre ou celle-ci avoir pour but la conversion forcée (p. 279). Il déduit que la guerre légitime selon la chariâa est celle qui est nécessaire pour répondre à une agression, assister la victime d’une injustice ou la légitime défense (en quoi cette dernière se distinguerait de la première ?). Les règles islamiques régissant la conduite des hostilités rappellent celles codifiées par le DIH (respect des biens civils et des non-combattants, principe d’humanité dans le traitement des captifs). 

 

Manoj Kumar Sinha (pp. 285-294) souligne que les plus anciennes règles régissant la conduite des hostilités ont été codifiées dans l’ancienne Inde. Quelques-unes d’entre elles (distinction et proportionnalité dans l’attaque) sont mentionnées sous la forme de poèmes épiques ou l’homme puisait des principes de conduite (Mahabharata, épopées de Kautilya ou d’Ashoka). On reste un peu sur sa faim par rapport au titre annoncé (« Hindouisme et Droit international humanitaire »).

 

Pour Norman Solomon (pp. 295-309), toutes les sources du judaïsme (talmud et interprétation rabbiniques) révèlent une grande convergence avec les règles contemporaines du droit international et du DIH. Il nous rappelle que la tradition juive (deutéronome) distingue la guerre au nom de Yahvé et les autres guerres. La première ne souffre d’aucune limitation (guerre d’extermination contre les Cananéens) et s’apparente à une guerre sainte, tandis que les autres, les « guerres ordinaires », connaissent des règles assez sommaires (offre de paix aux cités assiégées, interdiction de couper les arbres fruitiers, captivité des femmes et des enfants). L’auteur puise dans les interprétations rabbiniques quelques enseignements (autodéfense, proportionnalité). On est étonné par le caractère sommaire de ces règles. Le large développement consacré aux problèmes de l’Etat d’Israël semble décalé par rapport à la problématique religieuse initiale.

 

La problématique de l’assistance humanitaire et du rôle des ONG religieuses est notamment examinée par Elisabeth Ferris (pp. 311-325) et Jamal Krafess (pp. 327-342). Ce dernier nous rappelle que « l’acte humanitaire » est un des principes fondamentaux de la religion musulmane sacralisée par le Coran et les hadiths (textes prophétiques) comme une obligation du croyant et un acte de foi. Cette prescription s’est concrétisée par l’institutionnalisation de la zakat (impôt au profit des nécessiteux) comme un des cinq piliers de l’islam, mais aussi des waqf  (fondations religieuses). Si les œuvres caritatives puisent leur source dans le message religieux (le devoir de zakat), la pratique des ONG religieuses en matière d’assistance humanitaire est parfois discutable. On mentionnera  la question du soutien de certaines d’entre elles à des réseaux terroristes qui n’est pas évoquée ici. L’autre aspect négatif (brièvement mentionné) est le prosélytisme actif et la rivalité dans ce domaine que se livrent en Afrique sub-saharienne des ONG musulmanes et chrétiennes. Ces situations mettent à mal les principes de non-discrimination et d’impartialité qui devraient régir l’aide humanitaire. A ce propos, dans l’interview qu’il accorde à la revue (pp. 243-251), Ahmed Ali Noorbala, Président du Croissant- Rouge iranien rappelle que le principe islamique d’impartialité (ikhlas) implique que l’assistance humanitaire ne doit pas être fondée sur un critère d’affiliation religieuse, mais uniquement sur les besoins des victimes, même si celles-ci appartiennent au camp ennemi (p. 245) !

 

Abdelwahab BIAD

 

haut de la page

 

ZEMMALI (Ameur), Combattants et prisonniers de guerre en droit islamique et en droit international humanitaire, Paris : Pédone, 1997, 519 p.

 

Voici un ouvrage fruit d’une thèse de Doctorat soutenu par l’auteur à l’Université de Genève sous la direction du Professeur Luigi Condorelli qui comble une lacune, étant donné l’insuffisance d’études de fonds en langue française sur la conception islamique du droit international humanitaire. Le mérite de Ameur Zemmali est d’avoir appréhendé dans une perspective comparative les systèmes islamique et conventionnel de protection du combattant et du prisonnier de guerre. Ce travail fouillé n’est pas sans précédent (voir Sultan H., “La conception islamique“, in: Les Dimensions internationales du droit international humanitaire, Paris: Pédone & UNESCO, 1986, pp.47-60), mais il a le mérite de reposer sur une très vaste littérature aussi bien arabe que française.

 

Cet ouvrage est articulé en deux parties traitant successivement du statut du combattant et du prisonnier de guerre en droit islamique et en droit international humanitaire. L’approche comparative choisie par l’auteur l’amène à effectuer un va et vient incessant entre les deux systèmes de normes (islamique et conventionnel) pour dégager dans un premier temps la distinction combattant et non-combattant établit par les deux systèmes. Interrogeant aussi bien le Coran que la Sunna  (tradition du Prophète) et le fiqh (doctrine), l’auteur dégage les règles définissant le mujahid (combattant) tant au plan de sa condition que de son éthique, en constatant qu’à l’instar de la pratique issue du droit international humanitaire, la distinction combattant et non-combattants n’est pas toujours effective du fait de la théorie de la nécessité militaire.  A propos de la condition des combattants des conflits armés non-internationaux, le système islamique distingue trois situations: l’apostasie, la rébellion et le brigandage. Il est spécifié que si l’apostat est puni de mort,  le rebelle et le brigand encourent une peine proportionnelle à la gravité de l’acte commis. Ces considérations sont loin de correspondre aux spécifications du droit international (au sens de l’article 3 commun aux Conventions de Genève de 1948 et du Protocole additionnel II de 1977).  

 

En ce qui concerne les prisonniers de guerre  - les captifs en Islam -  leur sort est lié au contexte particulier de la lutte armée. Ainsi, aussi bien le Coran que la Sunna n’énumèrent pas de “catégories particulières de personnes susceptibles d’avoir le statut de prisonnier de guerre”. Toutefois l’auteur constate fort justement que “l’identification des prisonniers de guerre pose moins de problème que le traitement qui leur est réservé dans la conception islamique, alors qu’en droit international c’est à propos de l’octroi du statut protecteur que les difficultés sont les plus nombreuses”. Si le droit musulman est nettement en retrait par rapport au droit international humanitaire sur le plan du traitement des prisonniers de guerre (la mise à mort et la réduction en esclavage des captifs sont admises), les prescriptions faites en ce sens par le fiqh  ne nous semblent pas avoir apporté une contribution significative du fait des désaccords entre les écoles de pensée. A cela s’ajoute une autre difficulté liée au rejet par la doctrine islamique contemporaine (illustrée notamment par la Déclaration islamique des droits de l’Homme de l’OCI, 1990) de certaines règles de la doctrine classique concernant notamment l’exécution, la réduction en esclavage ou la libération contre rançon des captifs. Ceci s’expliquerait par la tendance dominante au sein de la doctrine classique qui consiste à intégrer les principes du droit international humanitaire en les légitimant à travers une interprétation “progressiste” du Coran  et de la Sunna..

 

A propos de l’espion et du mercenaire, les différences entre le droit islamique et le droit international sont patentes. En effet comme le souligne le juriste égyptien H. Sultan “l’Islam ne reconnaît pas la notion de combattant mercenaire” (op. cit., p.14) alors que le droit conventionnel sans lui accorder un statut protecteur lui reconnaît toutefois le bénéfice des garanties fondamentales (l’articles 75 du Protocole additionnel I aux Convention de Genève). Le traitement réservé à l’espion par le droit islamique varie selon que l’auteur de l’acte d’espionnage est un musulman, un dhimmi (chrétien ou juif bénéficiant d’une sauvegarde) ou un ennemi n’appartenant à aucune de ces catégories. Mais là aussi on constate une divergence entre les écoles doctrinales musulmanes à propos du sort à réserver à l’espion qui peut aller de l’exécution, à l’expulsion en passant par la détention.

 

On constate que les règles d’essence islamiques relatives au combattant et au prisonnier constituent un conglomérat de normes trouvant leurs sources dans le Coran, la Sunna et le fiqh. La difficulté se situe ici dans le fait que l’authenticité de certaines règles découlant de la Sunna est discutable tandis que les normes dégagées au sein du fiqh  sont loin d’être consensuelles. Tout en constatant ce phénomène l’auteur n’en a pas tiré toutes les conclusions qui s’imposent et en particulier ne s’est pas inscrit dans une perspective critique soulignant les insuffisances du système de norme islamiques, insuffisances auxquelles la doctrine islamique contemporaine s’est peu intéressée comparé à l’effort récent - mais il est vrai limité - d’ouverture vers le système universel de protection des droits de l’Homme.

 

Tout en dégageant des différences entre système islamique et conventionnel, l’auteur constate qu’il n’y a pas d’opposition irréductible entre ces deux systèmes de normes. C’est en ce sens que la recherche entreprise par Ameur Zemmali constitue une contribution au débat « universalisme versus culturalisme »

 

A. B.

 

haut de la page


ACCUEIL LE CREDHO CEDH BIBLIOGRAPHIE THESES ENSEIGNEMENTS LIENS

© CREDHO - Paris Sud