CREDHO

CREDHO
Centre de recherches et d'études sur les droits de l'Homme et le droit humanitaire

ACCUEIL LE CREDHO CEDH BIBLIOGRAPHIE THESES ENSEIGNEMENTS LIENS

BIBLIOGRAPHIE FRANCOPHONE SUR LES DROITS DE L'HOMME ET LE DROIT HUMANITAIRE

BIBLIOGRAPHIE

Ouvrages et articles récents
Ouvrages et articles publiés depuis 1987
Notes de lecture
Islam et Droits de l'Homme

Islam et Droits de l'Homme

 

AL MUNADJDJID (Salah al-Din), Le concept de justice social en Islam ou la société islamique à l’ombre de la justice, Paris : Publisud, 1982, 145 p.

 

Étude remplies de certitudes (souvent discutables) et assénant des vérités sur le caractère égalitaire de la société musulmane qui refuse la servitude, respecte et protège la personne humaine, défend, aide et protège la famille. L’auteur conclut en soulignant que la concorde et l’obéissance sont les fondements de la société musulmane. C’est une étude engagée qui reste limitée en raison de son caractère succinct et descriptif. On est surtout ici en présence d’une approche moralisatrice et lénifiante des commandements de l’Islam.

A. B.

 

haut de la page

 

AL’ ALWANI (Taha J.), "The Rights of the Accused in Islam", Arab Law Quarterly, vol.10, n°1, 1995, pp.3-16 & vol.10, n°3, 1995, pp.238-249.

 

Après avoir rappelé la formation historique de l’institution judiciaire en terre d’Islam, l’auteur, membre de l’Académie de jurisprudence de l’Organisation de la Conférence islamique, signale que la Chariaâ ne prévoit pas de procédures particulières, mais laisse celles-ci à l’appréciation (ijtihad) de ceux ayant la responsabilité d’assurer la justice. Toutefois, la Chariaâ pose des principes généraux dont doit tenir compte le juge. En ce qui concerne l’accusé(e) dans une affaire pénale, les juristes musulmans différencient trois cas : s’il s’agit de quelqu’un de notoirement pieux et qui serait considéré vraisemblablement innocent du crime dont on l’accuse, s’il s’agit de quelqu’un de mauvaise réputation et qui serait considéré vraisemblablement coupable ou s’il s’agit d’une personne dont on ignore si elle pourrait avoir commis le crime dont elle est accusée. Dans le premier cas, les accusations ne seront prises en considération que si elles sont assorties de preuves légalement valides, afin de protéger l’honneur des personnes de bonne moralité. Les personnes les ayant accusées sans fondement doivent, d’après la majorité de la doctrine être punis. Cependant pour l’Imam Malik et l’Imam Ashab, les accusateurs ne peuvent être punis que s’il est prouvé qu’ils ont porté de telles accusations dans l’intention de nuire. Dans le deuxième cas, l’accusé peut être mis en détention préventive, le temps de l’enquête qui déterminera si l’on doit retenir ou rejeter l’accusation. Le jugement ne pourra se fonder sur les dénégations de l’accusé ou sur son serment, mais devra reposer sur des preuves. Dans le troisième cas, le juge peut ordonner la mise en détention provisoire, le temps que les circonstances de l’espèce soient éclaircies. Cette solution repose sur un hadith relatant que le Prophète détint, pendant un jour et une nuit, quelqu’un accusé d’un crime. Les opinions diffèrent sur la durée de la détention provisoire, d’aucuns la limitent à un mois, d’autres considèrent qu’elle doit être laissée à l’appréciation du juge. La présomption d’innocence ne peut, en tous cas, être écartée qu’en présence de preuves irréfutables de la culpabilité de l’accusé.

 

Si la Chariaâ tolère que l’instructeur du dossier ou le juge restreignent les droits de l’accusé afin de maintenir les droits de la société en son ensemble, elle vient aussi limiter les pouvoirs de l’enquêteur, ce qui représente une garantie pour l’accusé. Une personne ne peut être détenue ou privée de sa liberté de mouvement sans fondement légal. Seul le Calife ou un juge peut envoyer quelqu’un en prison. La perquisition, l’espionnage, l’interception de la correspondance (donc les écoutes téléphoniques) sont interdites tant que l’on n’a pas la preuve légale que le suspect est impliqué dans un crime. Toutefois, une partie de la doctrine considère que ces interdictions ne bénéficient qu’aux personnes dont le mode de vie semble honorable, mais qu’elles ne sauraient jouer en faveur de personnes dont le mode de vie indique qu’elles ne sont pas honnêtes. Par ailleurs, un homme ne peut pratiquer une fouille au corps sur une femme, ni opérer de perquisition en présence d’une femme dans la maison. Les biens du suspect sans relation avec le crime allégué ne peuvent être ni détruits, ni confisqués.

 

La Chariaâ garantirait les droits de la défense et le bénéfice du doute. Rien dans les premiers ouvrages de procédure islamique (ahkaam al qada’) ou relatifs à la conduite des juges (adab al qadî) ne concerne l’assistance d’un avocat, mais l’auteur considère que le fait que de nombreux textes de la Chariaâ insistent sur la nécessité de régler les litiges par tout moyen approprié fonde le droit de l’accusé d’avoir un conseil, pourvu que celui-ci soit impartial et indépendant, y compris durant la phase d’instruction. Si l’accusé a le droit d’être entendu, il a aussi celui de rester silencieux. Un accusé ayant avoué un crime peut se rétracter. En tout état de cause, les aveux ou déclarations obtenus sous la contrainte sont nuls et non avenus d’après la majorité de la doctrine islamique, cependant des juristes de l’Ecole Hanafites estiment que de tels renseignements peuvent être légalement obtenus sous la contrainte. Enfin, la victime d’une erreur judiciaire a droit à compensations.

 

Ph. G.

 

haut de la page

 

ALDEEB ABU-SAHLIEH (Sami Awad), Les Musulmans en Occident entre droits et devoirs (préface de Guy Hennebelle), Paris : L'Harmattan, 2001, 296 p. et Cimetière musulman en Occident. Normes juives, chrétiennes et musulmanes (préface de Michel Rossetti), Paris : L'Harmattan, 2002, 168 p.

 

L’auteur de ces deux ouvrages a publié déjà de nombreuses études sur la conception (ou les conceptions) musulmane(s) des droits de l’Homme et les conceptions qu’il qualifie d’  “ occidentales ” (voir les comptes-rendus d’Abdelwahab Biad dans la bibliographie “ Islam et droits de l’Homme ”). On retrouve ici les qualités et les limites de la méthode de raisonnement et d’exposition des problèmes qu’il a adoptée. L’un des plus grands mérites de ce chrétien palestinien qui vit en Suisse est d’obliger les Européens à réfléchir aux relations qui doivent s’établir avec les Musulmans qui vivent sur leur continent. On trouvera donc dans ces deux livres qui se complètent, le deuxième reprenant et développant le dernier chapitre du premier, une information précise et détaillée sur pratiquement tous les aspects religieux et juridiques du statut des Musulmans en Suisse : reconnaissance de l’Islam, liberté de religion et de culte, école, droit de la famille (appelé curieusement “ droit de famille ”), interdits alimentaires, et cimetières religieux. Cet exposé (figurant dans la 3ème partie) occupe les trois quarts de l’ouvrage sur les Musulmans en Occident (pp. 73-256) alors que les deux premières parties consacrées respectivement à la conception musulmane des minorités et aux minorités en Suisse, ne représentent qu’un quart de l’ensemble.

 

L’auteur nous invite donc à participer à ce grand débat entre l’Islam et les autres conceptions du Monde et ne peut laisser indifférent tous ceux qui sont attachés non seulement au dialogue des cultures et des civilisations, de préférence au choc de celles-ci, mais aussi – et surtout – à l’universalité des droits de l’Homme. La contribution d’Aldeeb Abu-Salieh à ce débat est précieuse par la somme des informations qu’elle fournit. Cependant l’auteur s’arrête en chemin et le lecteur reste sur sa faim. Il use – et abuse – des citations, il confronte systématiquement les normes musulmanes et les normes suisses (dans le premier ouvrage), les normes juives, chrétiennes, musulmanes et suisses dans l’ouvrage consacré aux cimetières, mais il propose rarement un diagnostic et une solution aux contradictions qui ressortent –implicitement- de son exposé. Il est d’ailleurs conscient de cette limite puisque, citant Mahomet dans l’introduction à son premier ouvrage, il revendique le bénéfice de l’effort, même si le jugement n’est pas approprié. L’effort d’information et de documentation est incontestable et très sérieux, en revanche, le jugement est souvent absent. Il apparaît brièvement dans la conclusion du premier ouvrage où le ton est malheureusement trop polémique par rapport au style général du livre et les contradictions personnelles de l’auteur apparaissent nettement en filigrane. En revanche, et quelque peu paradoxalement, la conclusion de l’ouvrage sur les cimetières est beaucoup plus ferme. Aldeeb Abu-Salieh préconise la paix des morts et nous ne pouvons que souscrire à son appel en ce sens : “ Mettons donc un terme à nos vanités et à nos pensées malsaines et acceptons-nous les uns les autres, tant vivants que morts ”.

 

Par ailleurs, l’auteur soutient que l’Islam, comme le christianisme ou le judaïsme, sont des notions abstraites qui n’existent pas. En revanche, il emploie abondamment la notion d’  “ Occident ” et d’occidental qui nous paraît tout aussi abstraite. Est-ce une notion géographique, politique, idéologique ou religieuse ? De plus, la plupart de ses développements se limitent au cas suisse, qui est certes un Etat européen occidental, mais une telle limitation diminue beaucoup la force probante de la démonstration et la valeur scientifique de l’étude (on peut noter à cet égard que la jurisprudence des organes de la Convention européenne des droits de l’Homme n’est mentionnée que dans la mesure où elle est citée par les tribunaux suisses, ce qui est très restrictif).

 

Un autre défaut de ces deux ouvrages est d’esquiver le problème fondamental et central de la laïcité, notion dont les racines chrétiennes sont incontestables, mais qui revêt diverses formes et devrait pouvoir intégrer les exigences d’un islam ijtihadi, c’est-à-dire “ aggiornamentisé ” selon la formule de Guy Hennebelle. Michel Rossetti a parfaitement raison d’attirer l’attention sur ce problème capital.

 

Malgré les défauts méthodologiques, on ne peut que recommander la lecture de ces deux ouvrages qui contribuent à diminuer les incompréhensions et les ignorances entre les cultures.

 

Paul Tavernier

 

haut de la page

 

ALDEEB ABU-SAHLIEH (Sami Awad), Les Musulmans face aux droits de l’Homme Religion et droit et politique. Etude et documents, Bochum : Winkler, 1994, 610 p.

 

S’il y a un auteur qui se caractérise par une production prolifique sur la question des droits de l’Homme en Islam, c’est bien M. Sami Aldeeb Abu-Sahlieh, Ce Palestinien Chrétien de nationalité suisse est responsable du droit arabe à l’Institut suisse de droit comparé. Cet ouvrage relativement dense de 600 pages est divisé en sept parties intitulées comme suit : 

1° Historique, sources et fondements

2° Respect de la vie et de l’intégrité physique ;

3° Musulmans et non-musulmans ;

4° Hommes et femmes ;

5° Riches et pauvres ;

6° Gouvernants et gouvernés ;

7° États arabes et relations internationales.

Dès l’introduction il nous précise que son objectif est de "présenter la position des musulmans des pays membres de la Ligue arabe face aux droits de l’Homme". Il ne s’agit pas de "porter un jugement sur l’Islam en tant que religion mais d’étudier des normes juridiques et des pratiques de groupes humains qui se disent musulmans" en espérant par ce travail apporter sa contribution "au progrès des droits de l’Homme dans cette région du monde" tout en s’interdisant la langue de bois et tout en optant pour des "positions franches".

 

L’auteur utilise l’approche comparative qui consiste pour chaque thème abordé à expliquer la conception universaliste et la conception musulmane. Ces références sont constituées pour la partie sources islamiques par le Coran, la tradition du Prophète (Sunna) les écrits des légistes classiques, le recueil des fatwas, la doctrine, les sources positives arabes, les projets de législations nationales ainsi que les déclarations des droits de l’Homme, enfin les "modèles constitutionnels", l’auteur ayant recensé et annexé six modèles de "constitutions islamiques". Lorsqu’il y a lieu, ces références documentaires sont complétées par des extraits de discours de représentants de pays musulmans devant les instances internationales, voire même des extraits de programmes de partis politiques (position du FIS sur le contrôle des naissances). Pour l’approche universaliste, l’auteur se base sur les conventions internationales, les déclarations et autres documents des Nations Unies et des organisations internationales. A noter l’intérêt des annexes documentaires qui comportent trois catégories de documents :

- déclarations et projets de déclarations arabes ou islamiques relatives aux droits de l’Homme,

- modèles de constitutions islamiques censés remplacer les constitutions arabes actuelles,

- liste de 32 conventions relatives aux droits de l’Homme portant indication des pays arabes qui y ont adhéré.

L’auteur énumère la position du droit musulman à l’égard des principaux droits et libertés de l’Homme: A cet effet il commence par nous éclairer sur les sources et les fondements. A propos des sources, il se réfère aux catégories mentionnées ci-dessus. Quant aux fondements, il nous rappelle que le seul titulaire de la souveraineté est Dieu, non le peuple et seul Dieu est le garant des droits de l’Homme à travers la chariaâ. Il s’agit par conséquent moins de droits naturels que de droits octroyés d’essence divine. Nous sommes ici loin du cadre de la philosophie des Lumières qui a inspiré les droits de l’Homme.

 

Les critiques les plus fréquemment adressées aux musulmans sont le recours aux peines capitales et aux châtiments corporels. Si le Coran prône le respect de la vie il autorise l’homicide dans certaines circonstances ainsi que les châtiments corporels notamment pour vol et adultère. Cependant on constate que si la plupart des pays musulmans ont adopté un code pénal qui s’inspire du modèle occidental, d’autres (Arabie Saoudite et Soudan) continuent d’appliquer partiellement ou intégralement les normes pénales islamiques. Cette question révèle les profondes contradictions auxquelles sont confrontés les pays musulmans en matière d’administration de la justice.

 

La question de la liberté religieuse en terre d’Islam est également évoquée par les adversaires de la chariaâ. On constate ici l’existence d’un double standard car si la liberté d’exercice du culte est garantie pour les croyants des religions du Livre (Chrétiens et Juifs), le libre exercice du culte par les polythéistes est plus ambiguë. Il faut noter aussi en terme de double standard que la Sunna prescrit la peine de mort pour tout musulman accusé d’apostasie alors que la conversion à l’Islam de non-musulmans est encouragée. Aujourd’hui les islamistes égyptiens considèrent que la liberté religieuse accordée aux non-musulmans (Coptes) ne devrait pas avoir pour conséquence de leur accorder une égalité de droits sur le plan civil et politique.

 

A propos des droits politiques et du pouvoir en Islam, l’auteur nous rappelle que s’appuyant sur une interprétation des sources religieuses, la pratique réserve généralement aux musulmans l’accès aux hautes fonctions de l’État (fonctions exécutive et judiciaire). Ni le Coran, ni la Sunna n’ont réglé la question du pouvoir politique, toutefois des concepts généraux ont été dégagés tels que la consultation (shura), la justice, l’égalité et le consensus (ijmaâ). Chez les sunnites le pouvoir politique symbolisé par le Califat comporte à la fois une dimension temporelle et une dimension spirituelle; alors que chez les chi’ites seul l’imam qui est infaillible détermine le contenu de la Loi.

 

Concernant la question de l’égalité homme-femme qui a fait couler beaucoup d’encre, on souligne que tout en reconnaissant une égalité de principe, la doctrine musulmane consacre une inégalité de droits par référence au Coran qui institue une prééminence de l’homme sur la femme. Il faut noter que la plupart des constitutions arabes récentes ainsi que les déclarations islamiques des droits de l’Homme ne mentionnent pas explicitement le terme "inégalité", lui préférant des formules plus ambiguës telles: "la femme est l’égale de l’homme dans la dignité humaine, ses droits sont équivalents à ses devoirs’ (in: Déclaration de l’OCI). Dans les faits, l’inégalité est consacrée en droit par les dispositions du droit musulman relatives au mariage et à la répudiation, à l’héritage, ainsi qu’au témoignage ;

 

Quant à l’esclavage et à la servitude, ils sont admis par le droit musulman classique alors que les juristes musulmans modernes les envisagent sous un aspect "apologétique et historique". L’auteur rappelle que l’abolition de l’esclavage dans les pays arabes n’a pu se réaliser que sous la pression des Occidentaux même si les milieux les plus conservateurs dans la Péninsule arabique continuent à pratiquer une forme de servitude par le recours au personnel domestique principalement d’origine asiatique. Notons enfin à ce sujet une évolution intéressante avec l’interdiction de l’esclavage dans la Déclaration de l’OCI.

 

L’auteur a eu le mérite de traiter également le droit humanitaire précisant qu’on pouvait tirer un corpus de normes islamiques principalement issues du Coran et de la Sunna. Il cite les prescriptions relatives aux combattants et aux captifs de guerre dans différentes situations selon qu’on est ou non dans un conflit opposant des musulmans ou opposant des musulmans à des non-musulmans. Les prisonniers de guerre sont échangés ou libérés contre rançon voire sans contrepartie s’il s’agit de non-musulmans qui se convertissent. Le droit musulman classique distingue deux catégories de non-combattants, les sabaya (femmes et enfants) et les ‘gazasah (vieillards, handicapés et religieux) qui ne peuvent être tués tant qu’ils ne participent pas à la guerre et deviennent pour les premiers des captifs et pour les seconds abandonnés à leur sort. On constate que le droit musulman reste marqué dans ce domaine par des pratiques coutumières remontant à une lointaine époque - certainement pré-islamique - où les règles humanitaires étaient relativement sommaires.

 

Il n’est pas inutile d’insister sur l’intérêt de cet ouvrage pour qui veut avoir une vision d’ensemble du droit musulman des droits de l’Homme. Mais, en dépit de son ampleur et de la richesse des références documentaires, l’ouvrage d’Abu-Sahlieh est relativement décevant pour qui cherche à y trouver une démarche analytique critique. L’auteur se contente souvent de poser les problèmes et donner les réponses apportées par le droit musulman sur tel et tel aspect des droits de l’Homme même s’il se fait l’écho des débats qui agitent aujourd’hui les sociétés musulmanes sur la place du sacré mais sans laisser transparaître nettement ses positions. Est-ce par pudeur ou par désir de ne prendre partie dans le débat hautement sensible pour un arabe chrétien sur les mérites respectifs de l’universalisme et du relativisme ?

 

A. B.

 

haut de la page

 

AL-MIDANI (Mohammed Amin), Les droits de l’Homme et l’Islam. Textes des organisations arabes et islamiques, Strasbourg : Université Marc Bloch de Strasbourg/Association des publications de la Faculté théologique protestante, 2003, 141 p. (ISSN : 1146-5808).

 

Comme le note Jean-François Collange dans la préface à ce petit ouvrage, « A l’heure où certains parlent de « choc des civilisations » ou d’ « axe du Mal », la question des droits de l’Homme et de l’Islam se pose avec une acuité particulière ». C’est donc le premier mérite de Mohammed Amin Al-Midani que d’avoir réuni et présenté les textes de base adoptés par les organisations arabes et islamiques (Ligue des Etats arabes, Organisation de la conférence islamique et ONG) dans ce domaine. Le second mérite de l’auteur est de permettre un retour aux textes toujours utile, et même indispensable dans des matières aussi controversées.

 

Certes le choix des textes peut être discuté dans le détail. Pourquoi reproduire la Charte de la Ligue des Etats arabes puisqu’il est affirmé qu’elle « ne contient aucune disposition relative aux droits de l’Homme ». De même, on aurait pu se limiter à reproduire les dispositions pertinentes de la Charte de l’Organisation de la Conférence islamique. Toutefois, dans l’ensemble le choix des textes est judicieux et permet utilement d’éclairer les débats actuels, y compris sur le terrorisme ou la torture. Cependant, il est permis de regretter que la Charte des droits de l’enfant arabe, adoptée en 1983, ne figure pas dans l’ouvrage, d’autant plus que l’auteur indique qu’il n’existe pas jusqu’à présent de version française de cette Charte (p. 9, note’ 18).

 

Dans l’ensemble il s’agit de textes relativement anciens et déjà connus, du moins des spécialistes, mais l’auteur nous offre d’utiles clés de lecture dans un « avant-propos » qui constitue en réalité une introduction substantielle, ainsi que dans des « présentations » précises et critiques, qui accompagnent chacun des textes. Celles-ci sont toujours utiles, mais parfois trop brèves et trop concises. Le lecteur s’interrogera, par exemple, sur la situation de la Charte arabe des droits de l’Homme de 1994, signée par un Etat et ratifiée par aucun, mais il ne trouvera aucune explication à une telle situation ! De manière plus générale, on peut se demander si dans le monde arabe et musulman, comme ailleurs – ou plus qu’ailleurs ? – les textes ne restent pas trop souvent lettre morte. D’autre part, ce qui est inquiétant, c’est l’absence quasi-totale de mécanismes de mise en œuvre de ces chartes, conventions ou déclarations.

 

On peut aussi poser la question de savoir si les Etats arabes et musulmans n’acceptent pas plus facilement les instruments universels en matière de droits de l’Homme et se soumettent même à certaines procédures de contrôle international, et, en outre, pourquoi en est-il ainsi ? Si une telle constatation était vérifiée, cela serait relativement encourageant quant à l’universalité des droits de l’Homme plus que jamais nécessaire.

 

Paul Tavernier

 

haut de la page

 

BIELEFELDT (Heiner), "Muslim Voices in the Human Rights Debate", Human Rights Quarterly, vol.17, 1995, pp. 587-617.

 

Pour l’auteur, l’Islam, comme les autres religions ou cultures, n’offre pas une vision unique de sa compatibilité avec la Déclaration universelle des droits de l’Homme (DUDH), mais, au contraire, il y a une grande variété d’opinions musulmanes sur ce sujet. Les violations des droits de l’Homme qui se produisent dans les pays islamiques n’ont rien de spécifiquement islamique, même si certains gouvernements justifient l’oppression politique au nom de prétendues " valeurs islamiques ". Rappelant que le Coran a considérablement amélioré le statut de la femme (par rapport au droit pré-islamique) en donnant à celle-ci une personnalité juridique. Les discriminations sexistes de la Chariaâ sont dues à l’époque de formations du droit islamique, mais seraient en voie d’élimination à cause de l’évolution des sociétés musulmanes (au moins dans certains pays). En ce qui concerne les minorités, l’Islam s’est historiquement montré plus tolérant que le christianisme, non seulement avec les " gens du Livre ", mais aussi avec des polythéistes ainsi que l’atteste la cohabitation avec les hindous aux Indes. Si la plupart des constitutions des États islamiques modernes font de l’Islam la religion d’État, les minorités non musulmanes ont la liberté de religion et les mêmes droits politiques que les musulmans (sauf en ce qui concerne le Chef d’État qui généralement doit être musulman). Cependant, l’Arabie saoudite s’est abstenue lors du vote de la DUDH à cause du principe de liberté religieuse affirmé à l’article 18. Par ailleurs, l’article 16 de la DUDH est incompatible avec la Chariaâ par l’interdiction faite aux musulmans d’épouser des polythéistes et aux musulmanes d’épouser un non-musulman. Les Bahaïs en Iran (considérés comme renégats pour avoir créé une nouvelle religion post-islamique) et les Ahmadis au Pakistan (ils s’affirment musulmans, mais ne considèrent pas Mahomet comme le Sceau des prophètes) souffrent de discriminations officielles systématiques. Si seuls la Mauritanie et le Soudan condamnent à mort les apostats, plusieurs pays pratiquent toujours des sévices corporels.

 

L’auteur passe en revue différents écrits musulmans conservateurs et la Déclaration du Caire sur les droits de l’Homme en Islam adoptée en août 1990 par l’Organisation de la Conférence islamique, puis présente les thèses musulmanes libérales. Partant de la constatation qu’aucun État n’est aujourd’hui religieusement homogène, M. Abdullahi Ahmed An-Na’im considère que l’Islam doit en conséquence s’engager dans un dialogue transculturel sur les droits de l’Homme. Le juge égyptien Muhammad Saïd al-Ashmawy et le philosophe libanais Subhi Mahmasani plaident pour conserver les principes éthiques et religieux de la Chariaâ tout en purgeant celle-ci des raisonnements juridiques médiévaux. MM. Riffat Hassan et Mohammed Talbi se réfèrent au Coran (Sourate XII, verset 40) pour affirmer que la liberté religieuse est fondamentale en Islam. Rappelant l’évolution de l’Islam au siècle dernier, l’auteur conclut que le fondamentalisme est étranger à la grande tradition islamique et ne peut donc compter que sur un soutien minoritaire.

 

Ph. G.

 

haut de la page

 

BOTIVEAU (Bernard), Loi islamique et droit dans les sociétés arabes. Mutations des systèmes juridiques du Moyen-Orient, Paris : Karthala/IREMAM, 1993, 379 p.

 

Ce spécialiste du monde arabe pose comme postulat que le droit musulman n’est pas immuable mais qu’il ne s’est pas transformé indépendamment des mutations sociales et politiques qui affectent l’espace arabo-musulman. Ces mutations constitueraient une véritable grille de lecture et d’explication de l’islamologie juridique. Abordant l’aspect conceptuel, Bernard Botiveau souligne la difficulté à définir de manière satisfaisante le droit musulman. Il constate que les efforts entrepris en ce sens par des auteurs orientalistes comme Schacht, Brunschwig, Anderson et Chehata (voir les références dans cette compilation) aboutissent finalement à suggérer que les contours du droit musulman ne doivent pas seulement être recherchés dans le fiqh (doctrine) mais aussi dans une série de normes et de pratiques qui ne relèvent pas spécifiquement de celui-ci. Il faudrait donc "chercher à comprendre quelle rationalité sociale avait présidé à l’élaboration du fiqh en général et de telles règles en particulier, ou encore comment le savoir idéalisé des oulémas avait occulté celui pragmatique des juges, à l’origine de l’introduction de règles coutumières dans le fiqh, ce que les oulémas avaient refusé d’admettre". Le droit musulman serait donc un ensemble composite incorporant des sources doctrinales élaborées par les oulémas et qui se serait progressivement enrichi d’autres sources, notamment les jugements rendus par les qâdis (juges) et les fatwas (consultations juridiques sur des questions d’interprétation des textes sacrés) prononcés par les muphtis (chef religieux).

 

Ce constat tendrait donc à accréditer la thèse que le droit musulman ne constitue pas un bloc immuable structuré par des normes élaborées il y a quinze siècles mais une architecture en continuelle construction. Ce constat nous inspire une certaine réserve. En effet, la production de normes que ce soit par le biais du fiqh, des huqm (jugements) ou des fatwa donne une impression d’évolution et d’enrichissement du droit musulman alors qu’en définitive elles ne font que reproduire l’essence des "normes structurantes" énoncées dans la Chariaâ. Le problème central est que jusqu’ici les juristes musulmans ne sont pas parvenus à réaliser un véritable risorgimento du droit, se contentant d’un replâtrage de façade d’une architecture juridique qui est en croissante inadéquation avec les défis sociaux, politiques et de développement que doivent relever aujourd’hui les sociétés arabo-musulmanes. L’issue n’est ni dans le retour à la pureté originelle prôné par les courants islamistes, ni dans le statu quo ante défendu par les traditionalistes au nom d’une sécurité juridique optimale, ni enfin dans le réformisme timide inspiré par les maîtres d’Al Azhar. Ceci implique que des questions de fond comme le respect des droits de l’Homme, la construction de l’État de droit, la tolérance et le pluralisme devraient offrir l’occasion pour une "positivisation" du droit dans les pays musulmans. Mais ceci est un autre débat que l’auteur esquisse à peine lorsqu’il évoque la nécessité de "moderniser" la recherche sur les phénomènes juridiques en pays d’Islam considérant que "l’émergence de nouveaux acteurs et de nouvelles pratiques du droit" - apparition de la fonction de muhami (avocat) - amorce ce "pluralisme de représentation de l’Islam", justifiant ainsi un certain optimisme.

 

A. B.

 

haut de la page

 

CHARFI (Mohamed), Islam et libertés. Le malentendu historique, Paris : Albin Michel, 1998, 272 p.

 

L’ouvrage de Mohamed Charfi s’inscrit tout à fait dans l’actualité en dépit du fait qu’il a été publié en 1998. Il est en effet d’une grande utilité pour ceux qui désirent avoir une approche universitaire et juridique de la question des rapports entre l’Islam, les droits de l’homme et la démocratie. Rappelons que l’auteur, Professeur émérite à la Faculté de Droit de Tunis fut ministre de l’Education et des Sciences de son pays (1988-1994) et à ce titre artisan d’une réforme du système éducatif dans le sens de la modernité.

 

L’auteur situe d’emblée sa position en rappelant l’incapacité des sociétés musulmanes à intégrer la modernité et en particulier les acquis que sont les droits de l’homme et la démocratie déjà enracinés en Europe. Pris en tenaille entre une lecture intégrale des textes religieux et une " modernité hésitante ", les pays musulmans ont été incapables d’inventer une nouvelle relation au religieux libéré des dogmes. Certes le mouvement des réformateurs du début du XXème siècle incarné par la figure emblématique de Mohamed Abdou fut à l’origine d’une réflexion approfondie sur la nécessité d’adapter l’Islam au contexte contemporain, mais, force est de constater son échec avec l’émergence dans les années vingt de la confrérie des Frères musulmans, première cohorte d’organisations islamistes de plus en plus radicales. Estimant que " l’Islam n’est pas moins apte que le christianisme ou le judaïsme à évoluer ", l’auteur nous cite pour exemple la réforme du statut de la femme en Tunisie dans les années soixante.

 

Quatre chapitres constituent la trame de l’ouvrage. Dans un premier chapitre est analysé l’émergence des mouvements intégristes ou islamistes (l’auteur utilise sans distinction les deux termes) dans la plupart des sociétés musulmanes. Ceci n’a été possible qu’avec la complicité des régimes autoritaires désireux de faire contrepoids à l’influence des intellectuels laïques et des démocrates notamment dans les universités. Un chapitre est consacré à la notion d’Etat en Islam et un autre à la réforme du système éducatif en Tunisie afin de l’épurer de tout dogmatisme religieux, réforme dont l’auteur est un des artisans. Mais, c’est incontestablement avec le deuxième chapitre sur " Islam et Droit " que l’on entre de plein pied dans la question qui nous préoccupe — les droits de l’homme — éclairée par l’apport d’un juriste positiviste comme Mohamed Charfi. Ce dernier met en exergue les deux principaux obstacles à la promotion des droits de l’homme en terre musulmane, la discrimination légalisée contre les femmes et l’absence de liberté de conscience tels qu’ils découlent de la chariaâ. En dehors de la Turquie qui a adopté dès 1926 sous la férule de Kemal Ataturk un code civil d’essence laïque et de la Tunisie, tous les pays musulmans ont consacré à travers la référence à la chariaâ, la discrimination entre les sexes. A propos de la liberté de conscience, on nous rappelle que l’apostasie est considérée comme un crime passible de la peine de mort dans les codes pénaux de nombreux pays musulmans. Mais, l’apostasie est aussi une accusation souvent utilisée pour faire taire les opposants en donnant un habillage religieux aux politiques autoritaires. C’est aussi une accusation instrumentalisée par les intégristes contre les intellectuels comme l’a illustré l’exécution de Mahmoud Mohammed Taha par le régime islamo-militaire de Khartoum et le procès contre Farag Fauda. On remarquera une partie intéressante sur la relation chariaâ et droits de l’homme (pp.99-104) ou l’auteur évoque la question de la compatibilité entre la Déclaration du Caire sur les droits de l’homme en Islam adoptée par l’O.C.I. et les textes internationaux pertinents, rappelant qu’elle est en retrait par rapport à ces derniers.

 

Face au bilan globalement négatif en matière de démocratie dans les pays musulmans, doit-on en rechercher la raison dans la fermeture de la porte de l’ijtihad (effort de réflexion) par les juristes musulmans dès le XIIIème siècle ? Ou bien dans l’instrumentalisation politique de la religion à la fois par des gouvernants en manque de légitimité et par des groupes intolérants et incultes à la recherche d’une audience auprès d’une opinion publique désemparée ? Quelle perspective dans ce sombre tableau ? C’est un effort de réeinterprétation des textes islamiques dans un sens plus favorable aux droits de l’homme qui s’impose aujourd’hui dans l’urgence, un effort qui vise à rechercher l’esprit et non la lettre de chaque prescription coranique. Il s’agit aussi comme le propose Mahmoud Mohammed Taha de distinguer dans le message coranique les " versets éternels " et les " versets circonstantiels ", ces derniers pouvant faire l’objet d’une relecture pour les adapter au contexte actuel.

 

On peut déplorer que l’auteur, qui a exercé des responsabilités gouvernementales sous la houlette du Président Ben Ali et a dirigé la Ligue tunisienne des droits de l’homme, ne nous ait pas expliqué pourquoi en dépit d’un statut de la femme digne de pays démocratiques et d’une réforme courageuse du système éducatif pour l’adapter à la modernité, la Tunisie traîne toujours un passif en matière de droits de l’homme. Mais ceci est une autre question qui nous éloigne de la problématique énoncée dans l’intitulé de l’ouvrage : Islam et libertés.

 

A. B.

 

haut de la page

 

HASHMI (Sohail H.), "Self-Determination and Secession in Islamic Thought" in : Mortimer Sellers (dir.), The New World Order. Sovereignty, Human Rights and the Self-Determination of Peoples, Washington, D.C./Oxford : Berg, 1996, pp. 117-151.

 

Afin de comprendre, en dehors des considérations de Realpolitik, pourquoi le monde musulman (qu’il s’agisse des intellectuels, des États ou de l’Organisation de la conférence islamique) soutient le droit des musulmans à disposer d’eux-mêmes dans les États majoritairement non musulmans alors qu’il refuse qu’un tel droit s’applique en terre d’Islam, il convient d’examiner les sources éthiques de la pensée islamique sur l’autodétermination et la sécession.

 

L’auteur (américain d’origine indienne) rappelle que l’Islam rejette le tribalisme et enjoint ses fidèles à rester groupés au sein de l’Oumma, à ne constituer qu’une seule collectivité (jamaa) et à ne pas se diviser entre eux, les termes hizb ou shiaâ ayant dans le Coran une connotation péjorative (VI, v.159. XXIII, v.53; XXX, v.32). Les querelles liées à la succession de Mahomet ne doivent pas être interprétées comme des tentatives sécessionnistes, mais comme des guerres civiles où une faction (qu’il s’agisse des Kharidjites, des Omeyyades ou, plus tard, des Abbassides) ne cherche pas à rompre avec le reste de l’Oumma mais, au contraire, à prendre le contrôle de la communauté islamique.

 

Passant en revue les théories élaborées par les légistes musulmans du Moyen-Age, l’auteur rappelle que si, en cas d’apostasie, ceux qui tournent le dos à l’Islam (ridda) sont des traitres sécessionnistes et doivent être impitoyablement combattus, en revanche, le pouvoir, même tyrannique, doit être accepté, tant que le Calife ou l’imam se conforme aux préceptes coraniques. Les règles applicables en cas de rébellion (akham al-bughat) prohibent l’exécution des prisonniers et la confiscation de leurs biens puisqu’à la différence de l’apostasie, le retrait (Khuruj) ou le schisme (Ta’wil) fondés sur une interprétation divergente du Coran ne sont pas considérés comme une défection religieuse. Cependant, ce traitement humanitaire ne remet pas en cause les trois normes fondamentales que sont l’indivisibilité de l’Oumma, l’unité de l’imamat et l’illégitimité de la rébellion.

 

Toutefois, dès le Xe s. ap. J.C., ces normes ne correspondaient plus à la réalité politique puisque plusieurs États musulmans existaient de fait. C’est pourquoi Ibn Taymiyya opéra une révision doctrinale acceptant l’autonomie de ces différents États, pour autant que le détenteur de l’autorité (wali al-amr) reste soumis à la Chariaâ qui devient ainsi la garante de l’unité et de l’indivisibilité de l’Oumma. Ibn Khaldûn justifiera la division en différents États comme correspondant à la nature humaine, les liens tribaux (açabiyya) étant légitimes même si une force transcendante civilisationnelle doit s’y superposer. Cette conception marque toujours l’Islam. Au début de notre siècle, une fatwa du juriste égyptien Rachid Rida souligna que l’Islam n’était pas opposé au nationalisme ou au patriotisme lorsqu’ils visent à promouvoir l’indépendance et le bien-être des musulmans et leur solidarité.

 

Dans le contexte de la lutte anticoloniale, la revendication du droit à l’autodétermination était en phase avec l’Islam. En revanche, la révolte de musulmans contre un empire musulman provoqua de grandes controverses. De nombreux musulmans arabes, mais surtout les musulmans non arabes, notamment ceux des Indes, critiquèrent la révolte hachémite contre les Ottomans en laquelle ils voyaient un complot européen ourdi afin de détruire le dernier symbole de l’unité et de la puissance musulmane, et, ultérieurement, dénièrent tout crédit aux prétentions califales des hachémites.

 

Avant 1940, les oulémas indiens s’opposèrent à l’idée de la création du Pakistan, considérée comme une idée britannique pour saper l’universalité de l’Oumma. Finalement les oulémas se rallièrent à la cause d’une partition de l’empire des Indes et à l’établissement d’un État islamique. La sécession bangladaishi fut dénoncée par la plupart des autorités musulmanes et par l’Organisation de la Conférence islamique, comme étant inspirée par les communistes et les hindous. L’O.C.I. se rangea à l’idée de l’indépendance du Bangladesh uniquement lorsqu’une intervention indienne apparut imminente.

 

L’idée de la création d’un Kurdistan indépendant aux dépens de la Turquie, de l’Irak, de l’Iran et de la Syrie est très majoritairement considérée par les musulmans comme illégitime. D’ailleurs, il faut noter que les Kurdes iraniens, voire irakiens, demandent leur autonomie dans un État démocratique et ne réclament pas la sécession. Cette réticence musulmane à reconnaître la sécession d’un territoire relevant d’un État musulman explique l’absence de condamnation de l’utilisation des armes chimiques à Halabja (opération irakienne symboliquement appelée al-Anfal, en référence à la sourate du Coran traitant de la guerre contre les païens récalcitrant) dans le monde musulman.

 

L’auteur conclut que cette réticence à reconnaître à des musulmans le droit de s’autodéterminer par rapport à l’État musulman dans lequel ils vivent pourrait être positivement surmontée par le recours aux droits de l’Homme et à la démocratie, dans une version différente mais non antinomique de la version occidentale, si les musulmans se rappelaient que le Coran les décrit comme " ceux qui conduisent leurs affaires par consentement mutuel (choura bainahoum)" (XLII, v.38).

 

Ph. G.

 

haut de la page

 

MALEKIAN (Farhad), The Concept of Islamic international law : a comparative study, London & Boston : Graham & Trotman/Martinus Nijhoff, 1994, 232 p.

 

Cet ouvrage identifie les principes et les règles du Droit pénal international musulman. Il s’agit en particulier de comparer les systèmes du Droit pénal international et du Droit pénal musulman à la lumière du développement de leurs jurisprudences. Il ressort de cette étude comparative que les différences entre les deux systèmes ne résident pas dans les principes juridiques, mais sont plutôt d’ordre politique et idéologique. Des différences au niveau de la procédure caractérisent ainsi ces deux systèmes juridiques. Cette situation peut être la source de conflits en matière d’interprétation des principes fondamentaux des droits de l’Homme. Cet ouvrage constitue une source intéressante de comparaison en matière notamment des droits du justiciable appartenant aux minorités éthniques. Il propose des pistes pouvant faciliter la coopération et la compatibilité entre les deux systèmes pénaux pour les questions majeures de répression de la criminalité : la poursuite et la condamnation des criminels au plan international.

 

Ph. G.

 

haut de la page

 

SHERIF (Adel Omar) & BOYLE (Kevin) (Eds), Human Rights and democracy: The role of the Supreme Constitutionnal Court of Egypt, The Hague : Kluwer Law international, 1996, 370 p., Centre of Islamic & Middle Eastern Law Series 3.

 

C’est la première étude sérieuse faite en langue étrangère (non arabe) sur la Cour suprême Constitutionnelle d’Égypte. En tant que dernier échelon de l’organisation de la justice égyptienne, la Cour est l’organe de référence en matière d’interprétation de la Constitution. Après un bref historique du Droit constitutionnel de ce pays, l’ouvrage examine la mise en oeuvre au plan judiciaire des obligations contractées par l’Égypte en vertu des traités internationaux des droits de l’Homme. Une comparaison est faite entre la jurisprudence de la Cour égyptienne et la Cour suprême des États-Unis. L’étude comparative concerne notamment les garanties constitutionnelles des droits de l’Homme aux États-Unis et dans quelques pays musulmans. C’est un ouvrage utile en général pour ceux qui s’intéressent à la question des garanties constitutionnelles dans les États de droit musulman et, en particulier pour ceux qui s’interrogent sur la manière dont la Cour constitutionnelle égyptienne assure son rôle de garant des droits de l’Homme.

 

A. B.

 

haut de la page


ACCUEIL LE CREDHO CEDH BIBLIOGRAPHIE THESES ENSEIGNEMENTS LIENS

© CREDHO - Paris Sud