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Actes de la Cinquième Session d'information (arrêts rendus en 1998, Cahiers du CREDHO n° 5)
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L’éloignement des étrangers entre défense de l’ordre public et impératifs humanitaires

Affaires Dalia (19 février 1998) et B.B. (7 septembre 1998)

par
Me Françoise MENDEL-RICHE
Avocate au Barreau de Paris


En 1997, c'est sous le titre Quid Novi ? qu'ont été examinées au colloque du CREDHO les jurisprudences de Strasbourg concernant l'article 3 et les risques de torture ou traitements inhumains avec l'affaire H.L.R. ( 29 avril 1997), et l'article 8 et la protection de la vie privée et familiale avec les affaires Bouchelkia (29 janvier 1997) et Mehemi et El Boujaïdi (26 septembre 1997).

Pour ce qui est de l'article 3, la Cour appliquait une conception novatrice avec une remise en cause de l'élément intentionnel étatique dans la qualification de la situation du risque de persécutions. La Cour osait s'éloigner du "dogme de l'agent de persécution" (Gourmo LO, Cahiers du CREDHO, n°4, 1998, page 67).

A l'occasion de cette décision, la Cour ne va pas exclure la possibilité d'application de l'article 3 "lorsque le danger émane de personnes ou de groupes de personnes qui ne relèvent pas de la fonction publique".

Dès qu'une porte s'entrouvre, les habitués d'une juridiction se demandent s'il s'agit d'une éclaircie durable : tel était déjà le cas avec la décision Nadia E. de la Commission de Recours des Réfugiés (Nadia E/Section Réunies/237939/22 juillet 1994, M. de Bresson, Président, Madame Violet, Rapporteur). La Commission des Recours avait alors admis la réalité de persécutions n'émanant pas des autorités étatiques algériennes mais de groupes que celles-ci ne parvenaient pas à contrôler.

Toutefois, à la Commission des Recours, cette brêche ne s'est guère élargie. Ainsi faudrait-il connaître le devenir de la définition élargie de l'"agent de persécution", avant d’espérer la transformation de la brêche en ouverture réelle. Dans le cadre de l'article 8, sous l'angle de la protection de la vie privée et familiale, quatre affaires avaient donné lieu en 1997, à des arrêts contre la France : Affaires Bouchelkia (29 janvier 1997), Mehemi et El Boujaïdi (26 septembre 1997) et Boujlifa (21 octobre 1997). (Cf Intervention de Delphine Leclerq-Delapierre, Cahier du CREDHO, 1997, page 81 et suivantes)

Dans ces quatre affaires, seul le requérant Mehemi avait obtenu le bénéfice de la reconnaissance d'une violation de l'article 8, parce que marié et père de 3 enfants de nationalité française.

A l'unanimité, la Cour avait fait peser la balance de la proportionnalité dans le sens de "l'intensité des liens avec la France" du requérant, en retenant que la mesure d'interdiction définitive prise à son encontre avait pour effet "de le séparer de ses enfants mineurs et de son épouse".

Dans les trois autres arrêts cependant, la balance avait penché en sens contraire, la Cour ayant retenu le moyen mais ayant décidé que les atteintes à l'ordre public justifiaient de la part de l'autorité administrative, l'intervention des mesures d'éloignement.

Or, dans les affaires Dalia c/ France et B.B. c/France, la pesée de proportionnalité effectuée par la Cour révèlera une montée en puissance des impératifs d'ordre public, au détriment des impératifs humanitaires : article 8 pour Aïcha Dalia, et dans la mesure où la Cour se réserve une possibilité de contrôle, article 3 pour B.B.

Affaire Dalia (arrêt du 19 février 1998 : une image arrêtée en 1985)

I - Faits et biographie de la requérante

Née en 1959, en Algérie, alors française, Aïcha Dalia arrive en France en 1976, à l'âge de 17 ans pour rejoindre sa mère et ses 7 frères et soeurs, en séjour régulier en France. Elle arrive dans le cadre du regroupement familial, son père étant également présent en France. Lors de l'intervention de l'arrêt, trois de ses frères et soeurs possèdent la nationalité française, quatre sont résidents ainsi que sa mère.

Le 10 mai 1985, Aïcha Dalia est condamnée par le Tribunal de grande instance de Nanterre à 12 mois d'emprisonnement ferme pour infraction à la législation sur les stupéfiants (acquisition, détention et cession). La juridiction prononce contre elle une interdiction définitive du territoire français avec reconduite à la frontière, décision confirmée par la Cour d’appel de Versailles le 11 juillet 1985.

Aïcha Dalia fut incarcérée du 13 octobre 1984 au 28 octobre 1985. Elle s'est mariée avec un Français en 1986. Sur convocation des services de gendarmerie, elle est condamnée le 29 juillet 1997 à trois mois d'emprisonnement et à une interdiction du territoire d'un an pour s'être maintenue en France en dépit de l'interdiction définitive. Le 14 août 1987, elle quitte la France pour l'Algérie en application de l'arrêt du 11 juillet 1985 de la Cour d’appel de Versailles.

Avec son mari, elle est hébergée chez une tante en Algérie : la vie y était insupportable, la tante met le couple à la porte, ce qui, selon Aïcha Dalia, provoquera son divorce, prononcé en France, en 1989. Le couple n'avait pas d'enfant. Aïcha Dalia revient effectivement en territoire français le 15 juillet 1989, avec un visa de trente jours, et retourne chez sa mère à Nogent-sur-Oise. Le 6 juin 1990, elle donne naissance à un enfant, Karim, de nationalité française, car né en France d'une mère elle-même née dans un département français. Elle exerce seule sur l'enfant l'autorité parentale, le père ne l'ayant pas reconnu.

II - Procédure de rèlevement de l’interdiction du territoire, au plan national

a) Les requêtes de Madame Dalia

Madame Dalia a présenté trois requêtes en relèvement de l'interdiction du territoire. La première, déposée en 1988 (depuis l'Algérie), a été rejetée le 3 mars 1989. Les deux autres ont été enregistrées le 4 mai 1992 et le 5 février 1994. La requête du 4 mai 1992 a été rejetée par arrêt de la Cour d'appel de Versailles du 26 novembre 1992, "la condamnation étant passée en force irrévocable de chose jugée". La requête du 5 février 1994 fut déclarée irrecevable par la Cour d'appel de Versailles, laquelle par arrêt du 4 octobre 1994 considérait que : "en disposant qu'il ne peut être fait droit à une demande de relèvement d'une interdiciton de territoire que si le ressortissant étranger réside hors de France, la loi a institué une règle de procédure à laquelle il ne peut être dérogé".

b) Les textes applicables

Les textes applicables en France sont  l’article 630-1 du Code de la Santé Publique, d’une part, pour la répression du trafic de stupéfiants et l’article 28 bis de l’ordonnance du 2 novembre 1945, d’autre part, pour les conditions de relèvement de l’interdiction du territoire français.

L’article 28bis de l’ordonnance du 2 novembre 1945 intégré par la loi du 24 août 1993, modifié par la loi du 30 décembre 1993, précise en effet la condition de résidence hors de France de l’étranger, pour qu’il soit fait droit à sa demande de relèvement d’une interdiction du territoire.

Enfin, l’article 55-1 du Code Pénal dispose que " toute personne frappée d’une interdiction résultant d’une condamnation pénale ou prononcée dans le jugement de condamnation peut demander à la juridiction de la relever en tout ou partie…. de cette interdiction ".

III - Devant la Commission et la Cour : les impératifs humanitaires pèsent moins que la défense de l'ordre public

C'est à la suite de ce rejet qu’Aïcha Dalia introduit sa requête le 3 novembre 1994, devant la Commission sous le n°26102/95.

a) la requête

Sa requête comporte 3 griefs :

- son renvoi vers l'Algérie serait contraire à l'article 3

- le refus de la Cour d’appel de Versailles d'accueillir sa requête en relèvement d'interdiction du territoire ne tient pas compte de l'article 8

- la Cour d’appel de Versailles n'aurait pas respecté l'article 6.

Sur l'article 6, la Commission par décision partielle du 17 mai 1995 devait sans surprise la déclarer irrecevable.

Dans un rapport du 24 octobre 1996, la Commission conclut à l'unanimité, à l'absence de violation de l'article 3 de la Convention et, par 21 voix contre 9, à la non violation de l'article 8.

b) Les débats

Le gouvernement soulève une exception préliminaire aux motifs que la requérante n’aurait pas épuisé les voies de recours internes, en particulier qu’elle ne serait pas pourvue en cassation contre les arrêts de la Cour d’appel de Versailles du 26 novembre 1992 et du 4 octobre 1994 ; le moyen de l’article 8 étant " accessible et efficace " devant la Cour de cassation.

Madame Dalia estime que cette voie de recours aurait été inefficace, en particulier dans la mesure où il apparaît qu’aucun pourvoi contre un rejet de relèvement d’interdiction du territoire n’a à ce jour abouti devant la Cour de cassation. D’autre part, elle relève que l’aide juridictionnelle n’était pas disponible pour ce type d’action.

La Commission, pour sa part, retient ce dernier argument de Madame Dalia et estime que le pourvoi aurait été inefficace.

La Cour constate que si des voies de recours n’existent pas en pratique, il leur manque les caractéristiques d’accessibilité et d’effectivité. Elle rejoint l’opinion de la Commission sur l’inefficacité qu’aurait eu un pourvoi en cassation.

Sur l’article 8, Madame Dalia estime qu’en appliquant strictement l’article 28bis de l’ordonnance du 2 novembre 1945 (conditions de résidence du requérant à l’étranger), la Cour d’appel n’aurait pas tenu compte de sa nouvelle vie familiale.

La Commission recherche les éléments permettant de déterminer si Aïcha Dalia pourrait se prévaloir d’une vie privée et familiale, afin de déterminer si la mesure litigieuse a constitué une ingérence dans celle-ci. Elle relève que sa mère et ses sept frères et sœurs vivent en France. A propos de l’enfant français, né en 1990, la Commission estime que " ce fait bien que postérieur au prononcé de l’interdiction définitive du territoire, ne pourrait être ignoré ".

De son côté, le gouvernement insiste sur la marginalité de la vie d’Aïcha Dalia en France avant 1985. Il avance qu’à son retour en France en 1989, ses liens avec sa mère et ses frères et sœurs auraient été distendus ; que son seul lien tangible avec la France, est son fils, né en 1990. Indiquant qu’Aïcha Dalia pourrait emmener son fils en Algérie, le gouvernement demande à la Commission et à la Cour de se placer à la date de l’interdiction du territoire français, soit 1985, pour effectuer la pesée de proportionnalité.

c) La position de la Cour :

La Cour retient que l’interdiction du territoire est bien devenue définitive le 11 juillet 1985 mais place la date de la naissance du grief au rejet par la Cour d’appel de Versailles soit le 4 octobre 1994, date de la demande de relèvement d’interdiction du territoire de la requérante.

Selon la grille traditionnelle de l’alinéa 2 de l’article 8, la Cour analyse l’existence et la portée des ingérences. La Cour rappelle que les ingérences doivent se révéler " nécessaires, dans une société démocratique, c’est-à-dire justifiées par un besoin social impérieux et notamment proportionnées aux buts légitimes poursuivis " (cf. Mehemi c/France 26/9/97). En l’espèce, elle considère qu’il y a ingérence, mais ingérence nécessaire, dans une société démocratique, à la poursuite de buts légitimes.

La Cour estime que la règle de procédure posée par l’article 28bis de l’ordonnance du 2 novembre 1945, qui poursuit un but légitime, ne saurait emporter en elle-même, dans son application au cas de Madame Dalia, violation de l’article 8. En ce qui concerne l’enfant, il s’agit d’une attache familiale tissée alors qu’elle savait se trouver en situation irrégulière en France : elle ne pouvait donc ignorer la précarité qui en découlait.

Par ailleurs, la Cour conçoit la grande fermeté des Etats en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants : " indépendamment de la peine encourue par la requérante, la participation de Madame Dalia audit trafic pèse toujours aussi lourd dans la balance ".

En définitive, la Cour estime que le refus de relèvement de la Cour d’appel de Versailles n’est pas disproportionné et qu’il n’y a pas eu violation de l’article 8.

d) les opinions dissidentes

M. le Juge De Meyer a exprimé une opinion dissidente, à laquelle se sont ralliés Messieurs les Juges Bernhardt et Levits. Cette opinion était ainsi rédigée :

" Il y a eu, à mon avis, violation du droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale.

Même si l’on peut penser que la mesure d’interdiction du territoire prise à son égard en 1985, était, à ce moment-là justifiée, il est certain qu’elle ne l’était plus en 1994.

Comme l’observe la minorité de la Commission, sans être contredite par le gouvernement, l’intéressée avait rompu avec le milieu de la drogue et sa présence en France où elle vit dans sa famille avec son enfant, ne troublait plus en rien l’ordre public.

Dans ces conditions, l’application rigoureuse de la règle de procédure, déjà très contestable en elle-même, instituée par l’article 28bis de l’ordonnance du 2 novembre 1945 dans sa rédaction résultant de la loi du 24 août 1993, ne pouvait pas être considérée comme nécessaire dans une société démocratique ".

Affaire B.B. c/France (arrêt du 7 septembre 1998 : un arrêt sur image)

I - Des faits : de la situation personnelle de l'intéressé, des procédures en France

Né à Kinshasa (ex-Zaïre), actuelle République démocratique du Congo, en 1954, l'intéressé est entré en France en 1983. En 1988, il a perdu son titre de séjour, compte tenu de la situation de l'emploi. Il est retourné dans son pays en 1988, revenu en France en 1989, comme demandeur d'asile. Sa demande a été rejetée par l'OFPRA en 1993 et 1995.

Le 22 janvier 1995, M. B.B. est mis en examen du chef de transport, offre, cession et détention de produits stupéfiants. Le 8 septembre 1995, le TGI de Bobigny relaxe l'intéressé des chefs de transport, offre et cession de produits stupéfiants, mais retient la détention. B.B. est condamné à un emprisonnement de 2 ans et à une interdiction définitive du territoire français.

De juin au 30 novembre 1995, l'intéressé est écroué à l'hôpital pénitentiaire de Fresnes. Un certificat médical en date du 30 novembre 1995 décrit une séropositivité VIH, indique que le traitement anti-viral adéquat n'est disponible qu'en Europe ou Amérique du Nord, note qu'à titre humanitaire, une suspension de la mesure d'interdiction du territoire serait souhaitable.

De novembre 1995 au 26 mars 1996, B.B. est détenu à la maison d'arrêt pour hommes de Fleury-Mérogis : le docteur Lemaire indique qu'un suivi biologique et clinique très régulier est nécessaire et que ce traitement ne doit en aucun cas être interrompu.

En date du 30 janvier 1996, la Cour d’appel de Paris réduit sa peine à 18 mois d'emprisonnement, mais maintient l’interdiction définitive du territoire français.

B.B. est libéré le 27 mars 1996 : le Préfet le place en rétention afin d'exécuter l'interdiction du territoire ; un vol est prévu pour le 2 avril 1996, à 23 heures, à destination de Kinshasa.

Le 28 mars 1996, le Juge délégué ordonne la prolongation de sa rétention jusqu'au 2 avril.

Le 30 mars 1996, la Cour d'appel de Paris confirme la prolongation de la rétention, considérant que ni l'état de santé du requérant, ni son interdiction du territoire ne sont des motifs suffisants pour justifier d'une assignation à résidence.

Toutefois, le 4 avril 1996, l'intéressé est placé en assignation à résidence à Paris, par le Ministre de l'Intérieur. B.B. a demandé le sursis à exécution de la décision d'exécution de l'interdiction du territoire français. Le Tribunal administratif compétent accepte cette demande en considération de son état de santé d'une part et d'autre part, de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le Préfet ayant fixé le Zaïre comme pays de destination.

Par jugement du 26 octobre 1996, le Tribunal administratif annule la décision du 27 mars 1996, les soins adéquats à l'état de santé de B.B. ne pouvant être assurés au Zaïre. B.B. affirme avoir adressé deux requêtes en relèvement d’interdiction du territoire français à M. le Procureur de la République, à la Cour d’appel, en date des 26 février et 12 avril 1996. Ces demandes n'ont pas reçu de réponse. Il renouvelle cette requête le 17 mars 1997 devant M. le Procureur de la République.

Le 9 avril 1998, le Ministre de l'Intérieur abroge son arrêté du 4 avril 1996 et assigne B.B. à résidence dans le Val d'Oise. Il écrit au Préfet du Val d'Oise pour l'informer de la situation et lui indiquer de donner à M. B.B. des sauf-conduits pour recevoir des soins à l'Hôpital de la Pitié-Salpêtrière.

Dans un certificat médical rédigé le 29 mai 1998, le docteur Valantin, du CHU Pitié-Salpêtrière, relève que son état clinique, biologique, immunologique et virologique nécessite qu'il soit suivi le plus régulièrement possible dans un service spécialisé pour y recevoir des soins qui ne peuvent être dispensés dans son pays d'origine.

Et, d'après le rapport de la Commission des Droits de l’Homme du Conseil Economique et Social des Nations Unies, il existe dans l'ex-Zaïre "un grave problème de SIDA, en l'absence de tout programme officiel et réaliste de lutte contre la maladie".

II – Devant la Commission et la Cour : des débats et du sort de la demande de radiation du gouvernement

BB a introduit sa requête le 2 avril 1996 devant la Commission sous le n°30930/96. Le requérant a prié la Cour de ne pas divulguer son identité. Le 8 septembre 1997, la Commission a déclaré la requête recevable. Par rapport du 9 mars 1998, la Comission concluait par 29 voix contre 3 à la violation de l’article 3.

1 - Le 7 mai 1998, le gouvernement français a sollicité que le Greffe raye l'affaire du rôle.

En effet, estime le gouvernement français, depuis l'assignation à résidence du Ministre de l'Intérieur du 9 avril 1998, le requérant qui de facto ne risque plus d'éloignement, ne pourrait plus se prétendre victime au sens de la Convention.

Le gouvernement se fonde, au soutien de cette demande de radiation, sur deux éléments nouveaux ou qui n'auraient pas été portés à temps à la connaissance de la Commission :

- en premier lieu, l'annulation précitée par le Tribunal administratif de Versailles, le 26 septembre 1996, de la décision d'éloignement du Préfet de l'Essonne

- en deuxième lieu, l'arrêté d'assignation à résidence précité du 9 avril 1998.

Le gouvernement estime être en position, en application de l'article 49 paragraphe 2 du règlement de la Cour, d'établir qu'un "règlement amiable" serait intervenu dans l'affaire de M. B.B.

2 - Dans ses écritures en réponse, le requérant a signalé que le Tribunal administratif de Versailles avait déjà rendu son jugement lorsque la Commission a statué sur la recevabilité de sa requête le 8 septembre 1997.

Reconnaissant avoir été assigné à résidence à Paris, depuis le 4 avril 1996 et l'être maintenant dans le Val d'Oise, il estime qu'il demeure toutefois sous le coup de l'interdiction du territoire dont l'assignation à résidence n'est qu'une modalité d'application, révocable à tout moment par le Ministre de l'Intérieur. Il affirme que cette assignation à résidence ne le prive pas de la qualité de victime dans la mesure où elle l'oblige à demander au Préfet de l'Essonne des sauf-conduits pour se rendre à l'Hôpital de la Pitié-Salpêtrière pour y recevoir des soins ainsi qu'à se présenter à la gendarmerie. Il estime enfin que la loi du 11 mai 1998, en son article 12bis-11èment, devrait lui être applicable. Cette disposition permet à l'autorité administrative de délivrer un titre de séjour temporaire :

"11èment : à l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire".

3 - La position de la Commission et de la Cour : "arrêt sur image".

Comme le gouvernement, la Commission estime que B.B., depuis l'assignation à résidence, a effectivement perdu la qualité de victime : il n'est plus menacé d'éloignement ni d'interruption des soins nécessaires à son état.

La Cour pour sa part, constatera qu'aucun "règlement amiable ou arrangement" n'est en réalité intervenu. Mais elle estimera que l'assignation à résidence, de par sa continuité et sa durée, traduit la volonté du gouvernement français de laisser B.B. accéder aux soins nécessaires à son état, sur place. Elle note que le gouvernement n'a "pas l'intention de l'éloigner". La Cour estime être en présence d'un "engagement du gouvernement de ne pas le renvoyer". C'est dans ces conditions qu'elle considère que la menace de violation a cessé.

La Cour décide donc à l’unanimité, de rayer l'affaire du rôle, quitte à l'y réinscrire si des circonstances nouvelles surgissaient, propres à justifier cette réinscription.

La Cour n'a pas retenu le moyen de B.B. par rapport à l'article 8, B.B. ayant indiqué qu'en cas d'éloignement, il serait privé du soutien de ses proches, nécessaire dans son état. L'état final de l'affaire est parfaitement résumé dans l'opinion concordante du Juge Pettiti :

"La Cour a radié administrativement l’affaire, sur la base et en l'état d'engagement pris par le Gouvernement de ne pas éloigner M. B.B.

La Cour n'a pas dit dans son arrêt que M. B.B. avait perdu définitivement la qualité de victime, la requête d'origine portant sur la mesure d'interdiction du territoire avec toutes ses conséquences tant au titre de l’article 3 que de l’article 8".

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