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Actes de la huitième Session d'information (arrêts rendus en 2001, Cahiers du CREDHO n° 8)

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Le respect de la vie privée et familiale

 

 

Le cadavre et le droit au respect de la vie familiale
(arrêt Pannullo et Forte du 30 octobre 2001)

 

par

 

Anne DEBET

Maître de conférences à l'Université de Paris II 

 

 

Une nouvelle condamnation de la France est intervenue dans l’arrêt Pannullo et Forte le 30 octobre 2001.

 

L’affaire était tragique. Elle donne l’occasion à la Cour européenne des droits de l’Homme d’élargir encore le champ du droit au respect de la vie familiale, pour l’appliquer cette fois à des questions concernant la sépulture.

 

Les requérants, un couple de ressortissants italiens (M. Vincenzo Pannullo et Mme Forte), vinrent en France pour que leur fille de 4 ans, Erika, y soit opérée. C’est à l’Hôpital Marie Lannelongue, hôpital réputé pour son service de chirurgie thoracique, que l’opération eut lieu. Malheureusement, après une série de complications, l’enfant, prénommée Erika, mourut le 24 juin 1996.

 

Les requérants portèrent plainte auprès du Procureur de la République et une information sur les causes de la mort fut ouverte le 1er  juillet 1996. Le juge d'instruction ordonna une autopsie le 3 juillet 1996, autopsie qui fut pratiquée le 9 juillet suivant. Plusieurs prélèvements furent effectués pour un examen complémentaire éventuel. Le magistrat aurait alors été prévenu par un des médecins que les prélèvements de viscères ayant été effectués, le corps pouvait être rendu à la famille. Le rapport d’autopsie daté du 25 juillet 1996 conclut que la mort d’Erika est intervenue dans un contexte infectieux respiratoire aigu. Les services de l’Institut Médico-Légal, où était conservé le corps, s’inquiétèrent à de nombreuses reprises (en juin 1996, en août 1996 et le 15 janvier 1997) de la durée du dépôt du corps et en informèrent le juge d’instruction chargé de l’affaire. En septembre 1996, une autre expertise (cette fois anapathologique) fut ordonnée par le juge, expertise qui concernait les viscères et ce dernier ne reçut le rapport définitif des experts que le 29 avril 1997. Ce rapport concluait à l’absence de faute médicale.

 

A compter de la date de l’autopsie, les requérants firent de multiples démarches pour récupérer le corps et les autorités italiennes intervinrent à de nombreuses reprises. Pourtant, ce n’est que le 14 février 1997 que le juge d’instruction (ou plutôt le doyen des juges d’instruction, en l’absence du premier juge, parti en vacances) délivra le permis d’inhumer à la requête du Procureur de la République.

 

Le 19 février 1997, Erika fut enterrée au cimetière de Terracina. Elle ne devait pas encore reposer en paix puisqu’une autre autopsie fut ordonnée ultérieurement par le Tribunal de Rome. Au début du mois de septembre 1997, les requérants furent informés du classement de leur dossier.

Les parents de l’enfant, très affectés par cette longue attente, portèrent l’affaire devant les juridictions européennes.

 

Ils engagèrent d’abord une action contre la France, mais aussi contre l’Italie, cette dernière étant accusée de ne pas leur avoir apporté le soutien nécessaire dans leurs démarches pour récupérer le cadavre de leur enfant. Les requérants invoquaient en particulier les lacunes de l’autorité consulaire. Le 16 avril 1998, la Commission rejeta cette dernière requête en estimant que les autorités italiennes n’avaient aucune responsabilité directe dans le retard mis pour restituer le corps.

 

Les requérants dirigeaient principalement leur requête contre la France. Ils invoquaient une violation de l’article 3. La non restitution du corps de leur fille aurait constitué une torture ou un traitement inhumain et dégradant. La Cour, dans sa décision sur la recevabilité, en date du 23 novembre 1999, déclare ce grief irrecevable, au motif que la situation n’atteignait pas le seuil de gravité requis pour entrer dans le champ d’application de l’article 3.

 

Autre grief déclaré irrecevable : celui fondé sur l’article 9 de la Convention. Les requérants affirmaient que l’article 9 était violé car, catholiques pratiquants, ils n’avaient pas pu pendant de nombreux mois donner une sépulture religieuse à leur fille, ni prier sur la tombe de leur enfant. La Cour considère que ces questions sont déjà examinées au titre de l’article 8 et que, par conséquent, il n’y a pas lieu de retenir le grief fondé sur l’article 9.

 

C’est donc sur l’article 8 qu’a porté le débat devant la Cour européenne des droits de l’Homme.

 

Le gouvernement ne contestait pas que le délai mis pour restituer le corps avait été très long. Il soulignait que ce retard était imputable soit à l’inertie des experts soit à une mauvaise compréhension de la matière médicale par le juge. Le gouvernement français considérait que les mesures ordonnées visaient un but légitime : la prévention des infractions, mais il disait s’en remettre à la sagesse de la Cour européenne pour déterminer s’il existait un juste équilibre entre le but légitime visé par ces mesures et le droit au respect de la vie familiale et privée des requérants.

 

La Cour européenne constate que le corps de l’enfant aurait pu à l’évidence être rendu au parent après l’autopsie. Eu égards aux circonstances de l’affaire et au caractère dramatique pour les requérants de la perte de leur enfant, la Cour constate que les autorités françaises n’ont pas ménagé un juste équilibre entre le droit des requérants au respect  de leur vie privée et familiale et le but légitime visé.

 

Elle conclut à une violation de l’article 8 et elle attribue une satisfaction équitable au requérant (remboursement des frais de séjour, de transport, des frais et honoraires) et surtout 100 000 francs au titre du préjudice moral (alors que le gouvernement français proposait pour sa part 30 000 francs).

 

L’affaire Pannullo et Forte c/France est importante non pas tant en ce qui concerne le délai mis pour restituer le corps, (I) mais en ce qu’elle consacre une extension du droit au respect de la vie familiale (II).

 

I • Le délai de restitution du corps

 

Dans l’affaire Pannullo et Forte, une autopsie avait été ordonnée. Il convient donc de s’intéresser dans un premier temps au régime de l’autopsie, pour déterminer si la pratique de celle-ci constitue en elle-même une violation de l’article 8 de la Convention (A). Il faut ensuite préciser quelle règle préside à la restitution du cadavre en droit interne, pour voir si les normes internes, sont, en elles-mêmes, contraires aux exigences européennes (B).

 

A.- Le régime de l’autopsie

 

L’autopsie est une atteinte à l’intégrité du cadavre qui peut être vécue de façon douloureuse pour les familles. La question du consentement de ces familles à l’autopsie doit donc être posée.

 

M. Pannullo et Mme Forte souhaitaient qu’une enquête sur les causes du décès soit ouverte. Par conséquent, il est certain qu’ils ne s’opposaient pas à l’autopsie. On peut néanmoins envisager des situations dans lesquelles des parents contesteraient sur le fondement de l’article 8, c’est à dire du droit au respect de la vie privée et familiale, la pratique des autopsies. Encore faudrait-il pour cela que La Cour européenne étende le droit au respect de la vie familiale au droit d’empêcher une atteinte corporelle sur le cadavre d’un proche. Il n’est pas évident que la Cour européenne adopterait une telle attitude d'autant qu’en droit interne les médecins doivent restituer le corps intact pour ménager les sentiments des familles. C’est le but de la restauration tégumentaire prévue par l’article L. 1232-5 du Code de la santé publique : “Les médecins ayant procédé à un prélèvement sur une personne décédée sont tenus d’assurer une restauration décente de son corps”.

 

La principale critique que l’on pourrait adresser au droit français en matière d’autopsie, c’est son absence de précision et la diversité des régimes des différentes autopsies. L’article L. 1232-3 du Code de la santé publique dispose qu’ “aucun prélèvement à des fins scientifiques autres que celui ayant pour but de rechercher les causes du décès ne peut être effectué sans le consentement du défunt exprimé directement par le témoignage de la famille. Lorsque le défunt est mineur, ce consentement est exprimé par un des titulaires de l’autorité parentale. La famille est informée des prélèvements effectués en vue de rechercher les causes du décès”.

 

Ainsi, il faut, à l’instar du Comité consultatif national d’éthique[1], établir une distinction entre les différents types d’autopsies. L’autopsie ayant pour but de rechercher les causes du décès peut être pratiquée même en cas d’opposition du défunt et de sa famille et tout ce qu’une telle autopsie requiert, c’est l’information de la famille[2]. Pour les prélèvements à des fins médicales, le consentement du défunt est, en principe, présumé. En revanche, l'autopsie pratiquée à des fins scientifiques requiert le consentement du défunt exprimé par le témoignage de la famille. Cette exigence a entraîné d'après le rapport d’Alain Claeys, rapporteur du projet de loi de révision des lois bioéthiques, une chute du nombre des expertises médico-scientifiques[3]. Les autopsies à des fins scientifiques ne sont jamais pratiquées, mais la raréfaction des autopsies concerne aussi les autopsies à finalités médicales[4].

 

Dans le projet de loi relatif à la bioéthique adopté par l'Assemblée nationale, l'article L. 1232-3 est modifié. L'article L. 1232-1 du projet précise que “le prélèvement d'organe sur une personne dont la mort a été dûment constatée ne peut être effectué qu'à des fins thérapeutiques ou scientifiques. Ce prélèvement peut être pratiqué dès lors que la personne n'a pas fait connaître, de son vivant, son refus d'un tel prélèvement. Ce refus peut être exprimé par tout moyen, notamment par l'inscription sur un registre national de traitement automatisé prévu à cet effet (…). Si le médecin n'a pas directement connaissance de la volonté du défunt, il doit s'efforcer de recueillir le témoignage de ses proches sur celle-ci et les informe de la finalités des prélèvements envisagés”[5]. Est donc affirmée fermement pour toutes les autopsies, aussi bien à but thérapeutique que scientifique, la règle selon laquelle le consentement est présumé. L'autopsie ordonnée pour déterminer les causes du décès disparaîtrait donc du Code de la santé publique. Elle pourrait à l’évidence, comme c’est le cas aujourd’hui, toujours être ordonnée sans le consentement de la famille et même sans son avis.

 

Des difficultés peuvent donc surgir pour ce type d'autopsie (et pour les autres si la loi devait être votée). La famille se révolte parfois contre cette atteinte portée au cadavre sans son consentement.

 

Des parents ont ainsi tenté de contester la législation française sur le fondement, entre autres, de la Convention européenne des droits de l’Homme. Le Tribunal administratif de Nantes n’a pas fait droit à ces demandes en constatant, le 6 janvier 2000, que l’autopsie, ayant pour but de connaître les cause du décès, réalisée sans le consentement de la famille, ne constituait pas une atteinte à l’intégrité du cadavre (art. 225-17 du Code pénal), ni une atteinte à l’intégrité de l’espèce humaine et qu’elle ne pouvait être regardée comme un traitement inhumain et dégradant (art. 3 CEDH)[6].

 

Une telle question pourrait être éventuellement posée à la Cour européenne. Il reste que l'autopsie pratiquée dans le but de rechercher les causes du décès a, à l'évidence, un but légitime et respecte le rapport de proportionnalité exigé par la Cour européenne. Ainsi le régime de l’autopsie n'était-il pas mis en accusation dans l'affaire Pannullo et Forte. Ce qui était principalement en cause dans l’arrêt Pannullo et Forte c’est la durée mise pour restituer le corps.
 

B.- La restitution du corps à la famille

 

L’hôpital est devenu le lieu ordinaire de la mort. Par conséquent, le droit hospitalier précise les modalités de la restitution du corps à la famille. Les proches doivent d’abord être averti de l’aggravation de l’état du malade et de son décès. Le corps est déposé à la chambre mortuaire[7], sorte de chambre froide spécialement aménagée, où il peut être présenté aux familles. L’existence de ces chambres permet aux familles de disposer du temps nécessaire pour organiser les obsèques. Le Code général des collectivités territoriales régit les soins à apporter au corps ainsi que les modes de transport[8]. Quand le corps du malade n’a pas été réclamé dans un délai de dix jours, il est inhumé par les soins de l’hôpital[9]. L’établissement médical doit garantir le respect dû au mort et le respect dû au cadavre.

 

L’acte de décès est, quant à lui, dressé par l’officier d’état civil[10]. La déclaration de la mort à ce dernier doit être faite dans les vingt-quatre heures. L’inhumation ne peut être faite sans autorisation donnée par l’officier d’état civil[11]. Ce dernier ne pourra la délivrer que sur certificat d’un médecin constatant le décès[12]. Le permis d’inhumer précise le jour et l’heure à partir duquel l’opération peut avoir lieu, un délai de vingt-quatre heures devant être respecté entre le moment du décès et l’inhumation[13].

 

En cas de mort violente et suspecte, la situation est un peu différente. Le médecin, pour dresser le certificat de décès, doit procéder à un examen minutieux et détaillé du corps. Il doit déterminer s'il existe ou non un obstacle médico-légal à l'inhumation[14]. S'il n'y en a pas, l'officier d'état civil pourra délivrer le permis d'inhumer.

 

En cas d'obstacle, l'autorité judiciaire doit être informée[15]. Dans l’affaire Pannullo et Forte, le texte de droit interne pertinent était l’article 74 du Code de procédure pénale qui précise qu'en cas de découverte d’un cadavre, qu’il s’agisse ou non d’une mort violente, mais si la cause en est inconnue ou suspecte, l’officier de police judiciaire, qui en est avisé, en informe immédiatement le Procureur de la république. Ce dernier se transporte sur les lieux et procède aux premières consultations[16]. Le Procureur de la république peut aussi requérir information pour les recherches des causes de la mort. Il s’agit là d’une procédure dérogatoire de droit commun qui ne met pas en mouvement l’action publique et n’admet pas la constitution de partie civile[17]. Cette information a pour seul but de connaître les causes de la mort et le magistrat instructeur n'est donc pas saisi de l'ensemble des faits. Le juge d'instruction peut, par commission rogatoire, déléguer un officier de police judiciaire pour accomplir les diligences tendant à élucider les causes de la mort.

 

L’article 74 du Code de procédure pénale ne s’applique qu’en cas de mort suspecte. Il s’agit d’une mort qui ne paraît pas naturelle, n’est pas à l’évidence de nature criminelle et semble susceptible de receler les éléments d’un crime ou d’un délit. Tel est le cas par exemple des suicides suspects, des intoxications douteuses et au premier chef des accidents mortels d’origine thérapeutique comme dans l’arrêt Pannullo et Forte. Dans ce domaine, la plainte est toujours transmise au parquet.

 

Le Procureur de la République peut sur le fondement de l’article 74 ordonner l’autopsie du cadavre. L’officier de police judiciaire fait alors transporter le corps à l’Institut médico-légal.

 

Une fois ces opérations réalisées et si l'enquête a permis d'établir que la mort procède d'une cause naturelle ou qu'il s'agit d'une mort violente survenue dans des circonstances qui ne permettent pas de retenir une faute imputable à un tiers, le Procureur peut autoriser l’officier d’état civil à procéder à l’inhumation.

 

En l’espèce, ce n’était pas le dispositif légal lui-même qui était contesté mais la longueur des procédures. En vertu de l’article 161 du Code de Procédure pénale, le juge a le devoir de fixer des délais pour le dépôt des rapports d’expertises[18]. Si ces délais ne sont pas respectés, il a le pouvoir d’intervenir, ce qu’il n’avait pas fait dans l'affaire soumise à la Cour européenne des droits de l’Homme. L’inertie des experts et la mauvaise compréhension par le juge de la matière médicale (ce qui semble inquiétant au vu des informations qui lui avaient été transmises) ont eu des résultats tragiques. Le cadavre de la fille des requérants a été conservé pendant des mois dans une chambre frigorifique.

 

Dans l'affaire Pannullo et Forte, la Cour européenne sanctionne des dysfonctionnements spécifiques, elle ne remet pas en cause le régime de l’expertise pénale. Tout au plus exige-t-elle une diligence accrue des juges d'instruction dans ce domaine. L'arrêt de la Cour européenne est, en revanche, très novateur s’agissant de l’étendue du droit au respect de la vie familiale.

 

II.- L’extension du champ d’application de l’article 8 : la Convention européenne protectrice de la sépulture

 

La protection du cadavre a suscité un contentieux restreint devant les organes européens, contentieux qui concerne en très grande partie la France. En effet, une recherche Hudoc sur le site de la Cour européenne des droits de l’Homme avec les entrées “cadavre” ou “sépulture” permet de trouver quelques rares décisions, dont une grande majorité concernent la France[19].

 

L'affaire Pannullo et Forte concernait un aspect spécifique de ce contentieux. Il était relatif au droit des familles sur les cadavres et non à la liberté individuelle en matière de funérailles.

 

S’agissant des libertés fondamentales, il est nécessaire de faire état de la liberté reconnue en France d’organiser ses funérailles, liberté qui doit toutefois s’exercer dans le cadre du respect de l’ordre public.

 

La loi du 15 novembre 1887 précise que tout majeur ou mineur en état de tester peut régler les conditions de ses funérailles, notamment en ce qui concerne le caractère civil et religieux à leur donner et le mode de sépulture. Il peut charger une ou deux personnes de veiller sur l’exécution de sa volonté.

 

Le droit au respect de ses funérailles porte sur le mode d’inhumation (choix du cimetière), sur le sort du cadavre après la mort (incinération, enterrement...) et également sur le souhait d’être enterré avec telle ou telle personne. Ceux qui restent respectent la volonté émise par anticipation avant la mort. Cependant, la liberté de la personne est loin d'être absolue. En effet, la sépulture n'est pas seulement un droit, elle est une obligation. Le choix du mode de sépulture est limité : inhumation, immersion pour les décès en mer, encore que cette pratique ait en grande partie disparu, ou crémation, mais la légalité des autres modes de sépulture, non prévus par le Code des collectivités territoriales, semble douteuse. L'exigence d'une sépulture est, en outre, d'ordre public[20].

 

S’agissant de la liberté d’une personne d’organiser ses funérailles, la Commission européenne avait déjà eu l’occasion de préciser dans une décision X. c/RFA, le 10 mars 1981[21],  que le souhait d’une personne de faire disperser ses cendres dans son jardin est si intimement lié à la vie privée qu’il entre dans le champ d’application de l’article 8 CEDH. Pour la Commission, cependant, des considérations d’intérêt public peuvent justifier la réglementation de l’inhumation, à condition de ne pas priver l’individu de tout choix personnel. Comme en l’espèce le requérant disposait d’un choix quant aux modalités de ses funérailles, il n’y avait pas violation de l’article 8.

 

Le respect dû aux morts est un principe fondamental. Il prolonge le respect dû à la personne humaine.

 

Il convient donc de voir ici quels sont les droits de la famille sur la personne du défunt pour montrer que l’arrêt Pannullo et Forte apporte un fondement neuf à ces droits

 

A.- Les droits de la famille sur le cadavre

 

La nature juridique du cadavre (1) est déterminante pour préciser quels sont les droits de la famille sur celui-ci (2).

 

1.- La nature juridique du cadavre

 

Le cadavre s'entend de la dépouille mortelle, des restes humains, des ossements et des cendres de la personne.

 

Pendant très longtemps, on s’est demandé en droit civil quelle était la nature juridique du cadavre et s’il avait des droits. Certains auteurs, comme Demogue, ont voulu reconnaître au cadavre une demi-personnalité juridique[22]. Le cadavre serait à mi-chemin entre l’être humain et la chose. On a aussi proposé de donner au cadavre le statut de personne inanimée, statut temporaire qui durerait cinq ans[23].

 

Le droit pénal n'a pas pris clairement position sur le sujet. Les articles 225-17[24] et suivants, qui concernent l’intégrité du cadavre figurent dans le titre II du Code pénal (“ Des atteintes à la personne humaine ”) et plus précisément dans le Chapitre V de ce titre II (“ Des atteintes à la dignité de la personne ”). L'atteinte à l'intégrité du cadavre est un délit nouveau, créé par le Nouveau Code pénal. Ce délit est distinct de la traditionnelle profanation de sépulture. Cette nouvelle disposition va plutôt dans le sens d'une personnification du cadavre[25]. Auparavant, la loi ne s'intéressait en effet qu'à la sépulture, objet de droit. Le cadavre n'était donc protégé que de manière indirecte.

 

En faveur de la personnification du cadavre, on peut aussi citer un arrêt du Conseil d'Etat du 2 juillet 1993, l'arrêt Milhaud, dans lequel le Conseil affirme que le patient décédé reste, pour le médecin, une personne humaine[26].

 

Selon un auteur, d'une manière générale, “la jurisprudence répugne à traiter la dépouille comme un objet, du moins tant qu'il s'agit d'une mort relativement récente”[27].

 

Mais progressivement  a été consacrée l’idée que le cadavre est une chose. Il n’existe en droit civil que deux catégories dans lesquelles le cadavre pouvait être rangé, soit il était un être humain sujet de droit, soit il était un bien meuble, objet de droit. Or, le mort n’est plus un sujet de droit. Selon l’expression souvent reprise de Planiol, “les morts ne sont plus des personnes ; ils ne sont rien”[28].  Les dépouilles mortelles, les cendres doivent donc être considéré comme des objets.

 

Historiquement d’ailleurs, comme le souligne M. Labbée dans sa thèse[29], la loi des XII tables permettait au créancier impayé de saisir le cadavre du défunt. En cas de pluralité de créanciers, chacun pouvait emporter un morceau. En Egypte ancienne, il était fréquent de mettre en gage un cadavre. Au Moyen-Âge existait la procédure de rétention et de saisie de cadavre.

 

Plus récemment, une décision du tribunal de la Seine de 1932[30] montre que le cadavre peut être considéré comme une chose. Un entrepreneur de pompes funèbres refusait de rendre le cadavre aux héritiers, qui contestaient la facture. Le tribunal ordonne la restitution, non sur le fondement du caractère insaisissable du cadavre, mais sur celui du respect de l’ordre public et de la bonne foi. La Cour de cassation a elle aussi considéré que le cadavre était une chose. Elle a consacré la possibilité de l’existence d’un contrat de dépôt sur un cadavre. Dans une affaire soumise à la Cour de cassation le 17 juillet 1991[31], le corps d’une personne décédée dans un hôpital privé s’était trouvé, après quatre jours sans conservation, dans un état de décomposition avancée au moment de la mise en bière en présence de ses proches. Ces derniers invoquaient la réglementation hospitalière imposant le dépôt des corps dans une chambre mortuaire et l’obligation pour l’hôpital de procéder à une inhumation au bout de dix jours. La Cour de cassation déduit de cette réglementation que l’hôpital en tant que dépositaire est tenu vis-à-vis de la famille et des proches de veiller à la conservation des corps pendant une durée pouvant atteindre dix jours. Par conséquent il y avait une faute de l’hôpital du fait de cette décomposition constatée au bout de quatre jours. Certains auteurs, comme M. Gautier[32] ont été choqués par cette décision qui désacralisait le cadavre.

 

En effet, si le cadavre est une chose[33], il est une chose sacrée, hors commerce, qui ne peut faire l'objet d'un contrat[34]. Il a une valeur exclusivement morale. Par conséquent, il est en principe indisponible, encore qu’il puisse avoir une valeur pécuniaire après un certain temps (momies…).  Quels sont donc les droits que la famille exerce sur cette chose ?

 

2.- Les droits de la famille sur le cadavre

 

La famille peut exercer différents droits s’agissant du cadavre. Au delà de l’objet lui même (la dépouille ou les cendres), elle a le droit de défendre l’image du défunt. Ce droit appartenant à la famille a été consacré, pour la première fois, par le Tribunal de la seine le 16 juin 1858[35], dans une affaire concernant l'actrice Rachel. Le Tribunal prend soin de préciser que nul ne peut sans le consentement formel de la famille reproduire ou livrer à la publicité les traits d’une personne sur son lit de mort. Ce droit est absolu et a son principe dans le respect que commande la douleur des familles.

 

Plus récemment, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a aussi constaté une atteinte à l’intimité de la vie privée prévue par les articles 226-1 et 6 du Code pénal s’agissant de la dépouille mortelle de François Mitterrand. La Cour de cassation considère que le respect de la vie privée est dû à la personne humaine qu’elle soit morte ou vivante[36].

 

L’incrimination prévue aux articles précités ne concernait que les lieux privés, elle ne s’appliquait donc pas aux photos du préfet Erignac, photos prises après son assassinat alors qu'il gisait sur la chaussée et ensuite publiées. La Cour d’appel de Paris le 6 février 1998 affirme qu’elle protège non le défunt mais les sentiments d’affection et la vie privée de la famille[37]. La Cour de cassation, saisie d’un pourvoi contre cet arrêt, le rejette en se fondant sur le fait que cette image était attentatoire à la dignité de la personne humaine[38].

 

Les héritiers du défunt sont aussi chargés de défendre la mémoire des morts contre les diffamations ou les injures. Il n'y a diffamation ou injure contre la mémoire des morts que dans le cas où il y a eu une intention de porter atteinte à la considération des héritiers, époux ou légataires universels[39]. Le défunt n'est donc pas titulaire d'un “droit à l'honneur[40].

 

Ces décisions et ces dispositions législatives garantissent le respect dû aux morts, mais les sentiments de la famille sont aussi pris en compte et c’est elle qui agit. Pour certains auteurs, il existerait un droit du cadavre à la protection de l’intégrité de son image. Mais cette idée va à l’encontre du principe selon lequel le défunt n’a pas de personnalité juridique[41].

 

On admet aussi que la famille a sur le cadavre (sur la chose : dépouille ou cendres) un droit de copropriété familial assez particulier. Le cadavre a une valeur morale considérable pour la famille et une valeur pécuniaire presque nulle. Il appartient au juge en cas de désaccord entre les héritiers de procéder à l’attribution de cet objet. En raison de son caractère spécifique, il ne peut pas être soumis aux règles habituelles du partage.

 

La question qui a été posée le plus fréquemment aux juges a été de savoir comment régler, en l’absence de testament, la dévolution du cadavre[42]. Si le cadavre était un bien classique, il suivrait les règles de dévolution successorale traditionnelles.

 

Mais les juges ont adopté, pour le cadavre, un régime très proche de celui des souvenirs de famille[43], en faisant référence à une copropriété familiale.

 

La notion de copropriété familiale[44] a été admise depuis longtemps par le droit belge, en particulier par un arrêt de la Cour de cassation du 2 novembre 1868[45]. En droit interne, on cite souvent un arrêt de la Cour d’appel de Bordeaux de 1891 qui rappelle que le corps mort d’un individu appartient à la famille de celui-ci comme n’importe quel objet de la succession[46]. Ce principe est repris dans une décision du Tribunal de grande instance de Lille du 5 décembre 1996, qui précise que la dépouille mortelle d’un individu fait l’objet d’une copropriété familiale[47]. Le Tribunal fait référence à l’article 16-2 du Code civil[48] appliquant ainsi la protection du corps humain, prévue par le Code civil, au cadavre.

 

Quand le défunt n’a rien exprimé concernant ses funérailles, les juges règlent le conflit en se tournant généralement vers la personne qui est, selon eux, la mieux placée pour déterminer ce qu’auraient été les dernières volontés du défunt[49]. Il n’y a pas d’ordre préétabli, mais le conjoint vient généralement en premier et est préféré aux frères et aux soeurs. La concubine peut avoir son mot à dire si le concubinage était stable[50]. Les père et mère sont généralement consultés et ils organisent les funérailles de leur enfant quand celui-ci n’a pas d’autre famille[51]. Il arrive que les père et mère s’opposent comme dans une affaire soumise au Tribunal de grande instance de Lille le 25 janvier 2001[52]. La jurisprudence consacre un principe fondamental dans ce domaine : celui de la stabilité de la sépulture[53]

 

Des différends récents concernent l’urne funéraire. Celle-ci est soumise à un régime beaucoup moins strict que les dépouilles mortelles puisqu’il est seulement précisé dans le Code général des collectivités territoriales que l’urne peut être placée dans un columbarium ou remise à la famille[54]. L'urne n'est donc pas vraiment protégée quand elle se trouve en dehors du cimetière[55], ce qui peut sembler choquant[56]. Elle peut être déplacée au gré des changements d’humeur de la personne à qui elle est remise[57].

 

Le Tribunal de grande instance de Lille, le 23 septembre 1997, affirme que l’urne funéraire, à l’instar de la dépouille mortelle[58], fait l’objet d’un droit de copropriété familiale, inviolable et sacré[59]. L’épouse qui a organisé les funérailles, même si elle vivait séparée de son époux, a donc la possibilité d’emporter l’urne pour la garder chez elle et ce, même si elle prive les frères et soeurs de la possibilité de venir se recueillir dans le columbarium. La copropriété familiale va jusqu’au partage des cendres si le défunt l’a souhaité[60].

 

Les tribunaux internes ne sont désormais plus les seuls à être saisis de questions touchant aux funérailles et à la sépulture. Les requérants, dans l’affaire Pannullo et Forte, s’étaient tournés vers la Cour européenne.

 

B. Le fondement européen de la protection de la sépulture : le droit au respect de la vie familiale

 

On peut s'intéresser aux fondements qui ont été rejetés (1) avant d'étudier le fondement retenu (2) par la Cour européenne pour rendre sa décision.

 

1.- Les fondements rejetés

 

Si l’on suivait la jurisprudence française en matière de dépouille mortelle, la Cour européenne aurait dû placer le débat sur le fondement de l’article 1 protocole 1, le droit de chacun au respect de ses biens. En l’espèce on aurait pu aller jusqu'à considérer qu’il y avait atteinte à la substance du droit de propriété, puisque l’atteinte même temporaire avait empêché les requérants d’utiliser les biens comme ils le voulaient et conformément aux usages. Cette solution aurait sans doute semblé choquante.

 

La Cour européenne a refusé, comme cela a été vu antérieurement, d'examiner les arguments fondés sur l'article 9 de la Convention européenne[61]. Pourtant, la liberté religieuse joue sans doute un rôle important en matière de sépulture. La sépulture correspond à l'idée de la nécessité d'un retour du corps à la terre. Le monde des morts doit être séparé de celui des vivants. Dans les grandes religions monothéistes, l'accent est souvent mis sur la nécessité de donner une sépulture aux morts. Le judaïsme exige ainsi le respect de l'intégrité du corps humain et l'ensevelissement du cadavre[62].  Pour les musulmans, le respect de la dépouille mortelle est un des devoirs les plus fondamentaux de la religion et l'ensevelissement est un rite obligatoire[63]. Le christianisme imposa pendant longtemps la nécessité d'un ensevelissement du cadavre. Le Pape Léon XIII condamna la pratique de la crémation le 19 mai 1886. Ainsi, les personnes désirant se faire incinérer se trouvaient privées de sépulture ecclésiastique. C'est le pape Paul VI qui leva l'interdiction en 1963. L'Eglise catholique admet l'incinération mais elle garde toujours une préférence pour l'inhumation. L'atteinte à l'intégrité du cadavre n'est, en principe, pas interdite. Les prélèvements et les autopsies sont autorisés car la résurrection concerne le corps spirituel et non le corps terrestre.  Mais, toute famille chrétienne doit pouvoir organiser des funérailles. L'enterrement du mort, après la cérémonie religieuse, est fondamental pour les catholiques et, plus généralement, pour l’ensemble des chrétiens. M. Pannullo et Mme Forte pouvaient donc légitimement invoquer l’article 9 de la Convention.

 

Mais c'est sur le fondement du droit au respect de la vie familiale que la Cour européenne condamne la France.

 

2.- Le fondement retenu : le droit au respect de la vie familiale

 

La Cour européenne constate la violation de l’article 8 dans l’affaire Pannullo et Forte. Si la solution à laquelle elle aboutit est incontestable, son raisonnement manque néanmoins de netteté. La Cour européenne ne prend pas le temps de préciser si, ici, il est question de la vie privée ou de la vie familiale. Ce n’est qu’au détour d’une phrase qu’elle indique qu’est en cause, dans cette affaire, le respect effectif de la vie familiale. Même si cette affirmation semble tomber sous le sens, on peut regretter, malgré tout, ces temps anciens où la Cour européenne expliquait longuement et de manière très pédagogique lequel des droits garantis par l’article 8 s’appliquait et pourquoi. Sans doute ne s’agit-il là que d’une décision de section, mais tout de même, la solution consacre une nouvelle extension du champ d’application de l’article 8, nouvelle extension qui aurait pu être expliquée.

 

De plus, et pour continuer sur la forme de l’arrêt, on ne saisit pas très bien pourquoi la Cour européenne rappelle l’existence d’obligations positives sur le fondement de l’article 8. Elle montre que le régime des obligations positives se rapproche de celui des ingérences, mais elle semble finalement considérer qu’il y a en l’espèce une ingérence. Assiste t-on progressivement à la convergence, tant souhaité par les auteurs, entre obligations positives et ingérences[64] ou s’agit-il seulement d’approximations contestables de la part de la Cour ? La Cour européenne aurait sans doute gagné à faire connaître plus clairement sa position.

 

L'arrêt Pannullo et Forte n’annonce sans doute pas une modification des méthodes européennes, mais il consacre l'extension du champ d'application de la Convention. Le droit au respect de la vie familiale implique le droit de pouvoir enterrer son enfant. La position adoptée par la Cour européenne doit être approuvée. Le travail de deuil d’un être cher ne peut véritablement commencer qu’à partir de l'organisation sociale des funérailles. Ce travail implique une renonciation et la vue du cadavre est essentielle dans la prise en compte de la réalité. Une mort sans cadavre et sans sépulture rend à l'évidence le deuil plus douloureux[65]. Pour accepter la mort, renoncer au défunt et comprendre le sens de la séparation, un support matériel est indispensable, c’est-à-dire une dépouille mortelle et une sépulture. Aussi, la condamnation de la France par la Cour européenne était-elle prévisible et ne choquera-t-elle sans doute personne.

 

On peut se demander si l’invocation de la Convention européenne ne risque pas de venir appuyer des demandes réellement pathologiques, comme celle de ces deux enfants qui voulaient garder le corps de leur mère cryogénisé[66] dans le sous-sol de leur villa, ce que le Préfet avait refusé. Le Tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion, le 21 octobre 1999[67], et la Cour administrative d’appel de Bordeaux, le 29 mai 2000[68], ont considéré que ce refus était justifié en se fondant sur l’article L. 2223-9 du Code général des collectivités territoriales[69]. La cryogénisation n’est pas un mode d’inhumation et, dans une propriété privée, seule l’inhumation est autorisée par le Code des collectivités territoriales[70]. Les requérants ont dit vouloir porter le débat devant la Cour européenne des droits de l’Homme. Il serait tout de même très surprenant que le droit au respect de la vie familiale englobe le droit de continuer à vivre près du cadavre d’une mère, d’un père ou d’un enfant[71].

 

Le droit fondamental de l’Homme à assurer la sépulture de ses proches, fondé sur l’article 8, doit rester dans les limites fixées par la Cour européenne. En définitive, ce que M. Pannullo et Mme Forte demandaient c’est seulement de pouvoir enterrer leur mort. Cette affaire est l’occasion pour la Cour européenne d’un retour aux sources des droits fondamentaux. On peut désormais imaginer Antigone saisissant la Cour européenne pour réclamer le droit de donner une sépulture décente à son frère Polynice.

 


 

M. Paul Tavernier

 

Merci, Mlle Debet pour cet exposé très intéressant et très riche. Malheureusement nous devons passer directement aux deux derniers exposés, parce qu’il faut non seulement respecter la liberté d’expression de l’auditoire, mais il faut aussi respecter celle des intervenants.

 

Je donne la parole immédiatement à Patrice Rolland que nous connaissons déjà tous puisqu’il est déjà intervenu à plusieurs reprises dans les colloques du CREDHO. Il va nous parler non pas d’un arrêt, mais d’une décision de recevabilité. Nous avons introduit une innovation dans les colloques du CREDHO et nous ne nous sommes pas limités aux arrêts. Nous avons retenu quelques décisions particulièrement intéressantes.


 


[1] Avis du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé sur l’avant-projet de révision des lois de bioéthique, Les Cahiers du Comité consultatif national d’éthique, n° 27, avril 2001, p. 3 et s., spéc. p. 11.

[2] L’autopsie est définie précisément par S. GROMB, “ Le droit des mourants ”, in Droit médical et hospitalier, Litec, fasc. 37, T. I, n° 47. Elle doit toujours être complète. Elle commence par la levée du corps qui permet d’observer ce dernier. Ensuite, le médecin procède à un examen externe avec la recherche de traces de violence, puis il étudie minutieusement les organes intra-thoraciques, intra-abdominaux et intracrâniens. L’expert peut réaliser des analyses complémentaires comme des radiographies, des prélèvements pour analyse toxicologique et anatomopathologique (étude des tissus sous microscope).

[3] JOAN, Doc., session 2001-2002, Rapport d'information de M. A. CLAEYS, déposé en application de l'article 145 du Règlement par la mission d'information commune préparatoire au projet de loi de révision des “lois bioéthiques” de juillet 1994 (n° 3208, 27 juin 2001), spéc. p. 213.

[4] Avis du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé sur l’avant projet de révision des lois de bioéthique, préc., spéc. p. 11 : “L’autopsie des personnes décédées en milieu hospitalier n’est réalisable qu’avec l’information devenue en fait lpréalable de la famille recueilli dans les heures qui suivent la mort. Or ce consentement s’avère si difficile à demander et à obtenir dans ces circonstances toujours douloureuses que la plupart des médecins renoncent pratiquement à faire une autopsie”.

[5] JOAN, Doc., session 2001-2002, projet de loi n° 763 adopté par l'Assemblée nationale en 1ère lecture le 22 janvier 2002.

[6] TA Nantes, 6 janvier 2000, D. 2000. I.R. 101. A l’évidence, l’autopsie est justifiée par la protection de l’ordre public. Pour que la justice puisse être exercée, les magistrats doivent avoir la possibilité de rechercher les causes du décès.

[7] L’article L. 2223-39 du Code général des collectivités territoriales prévoit que les établissements de santé publics ou privés qui remplissent les conditions prévues par décret en Conseil d’Etat doivent disposer d’une chambre mortuaire dans laquelle doit être déposé le corps des personnes qui y sont décédées.

[8] Articles R. 2213-2 et suivants du Code général des collectivités territoriales.

[9] Voir sur cette question : C. PAIRE, Marc DUPONT, C. ESPER, L. MUZZIN, Droit hospitalier, Etablissements publics et privés, Dalloz, coll. “ cours ”, 2ème éd., 1997, n° 379 et s., p. 284 et s.

[10] Article 78 du Code civil : “L’acte de décès sera dressé par l’officier de l’état civil de la commune où le décès a eu lieu, sur la déclaration d’un parent du défunt ou sur celle d’une personne possédant sur son état civil les renseignements les plus exacts et les plus complets qu’il sera possible”

[11] Article R. 2213-17 du Code général des collectivités territoriales.

[12] Cela résulte des l’articles R. 2223-42 et R. 2213-17 du Code général des collectivités territoriales qui précisent que l’autorisation de fermeture d’un cercueil ne peut être ordonnée qu’au vu d’un certificat établi par un médecin attestant à la fois le décès et l’absence de problème médico-légal.

[13] Article R. 2213-33 du Code général des collectivités territoriales.

[14] Articles 81 et 82 du Code civil.

[15] D'après S. GUYOT, T. COMTE, B. GIRARDET et D. CORÈGE, dans leur article “ La responsabilité médico-légale du médecin du SAMU dans la certification du décès. Problématique des relations entre médecins urgentistes, forces de police, Gendarmerie et Parquet ”, Journal de Médecine légale, Droit Médical, 2001, n° 44, p. 74, une circulaire du 5 juillet 1976 “oblige le médecin à se mettre en rapport avec le Parquet ou le service de police et de gendarmerie compétente lorsque, après examen d'un cadavre, il suspecte un problème médico-légal”.

[16] Sur cette question, voir P. MALIBERT, “ Article 74”, “ Mort suspecte”, J.-Cl. Procédure pénale, 2000.

[17] P. MALIBERT, “  Article 74 ”, “ Mort suspecte ”, J.-Cl. Procédure pénale, 2000, spéc. n° 81.

[18] Article 161 du Code de procédure pénale : “Toute décision commettant des experts doit leur impartir un délai pour exécuter leur mission (…)”.

[19] Décisions A. G. c/France du 30 novembre 1994 (requête n° 23033/93) et Ribes c/France  du 11 juillet 2000 (requête n° 41946/98 et 50586/99). Dans la première affaire, la requérante mettait en cause sur le fondement de l’article 6  des procédures administratives et pénales qu’elle avait engagées en France pour contester la délivrance d’une concession funéraire et l’exhumation des corps de ses grands-parents, de son père et de sa tante. Dans la deuxième espèce, les requérants se plaignaient du déplacement des ossements de leur père et mari d’un casier du columbarium à un autre. Ils développaient des arguments relatifs à l’absence d’équité de la procédure pénale. Ils évoquaient aussi une violation de l’article 3 du fait de l’attitude des autorités judiciaires qui avaient refusé d’ordonner la localisation et l’identification des corps. Ils considéraient que le respect dû aux morts avait été méconnu et donc que l’article 8 avait été violé. Ils se plaignaient aussi d’une violation de l’article 9 de la Convention.

[20] Le pouvoir de police du maire est important s’agissant des cimetières. L’article L. 2213-8 du Code général des collectivités territoriales prévoit que “sont soumis au pouvoir de police du maire : le mode de transport des personnes décédées, le maintien de l’ordre et de la décence dans les cimetières, les inhumations et les exhumations, sans qu’il soit permis d’établir des distinctions ou des prescriptions particulières à raison des croyances ou du culte du défunt ou des circonstances qui ont accompagné sa mort”.

[21] Décision X. c/RFA, D.R. 1981, vol. 24, p. 137.

[22] R. DEMOGUE, “ La notion de sujet de droit ”, RTD civ. 1909. 639.

[23] P. BELHASSEM, La crémation: le cadavre et la loi, LGDG, 1997, Travaux de recherches Panthéon-Assas, 1997, p. 109 et s. L'auteur présente les propositions doctrinales dans ce sens. Voir aussi G. GOUBEAUX, Les personnes, in Traité de droit civil, sous la direction de J. GHESTIN, LGDJ, 2ème éd., 1989, n° 56. L'auteur considère que “la conscience collective se résout difficilement à admettre l'extinction totale et définitive de la personnalité. Elle préfère l'idée rassurante d'un état intermédiaire entre l'existence et le néant assimilé à un long sommeil ”.

[24] Article 225-17 du Code pénal : “Toute atteinte à l'intégrité d'un cadavre, par quelque moyen que ce soit, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende.

La violation ou la profanation, par quelque moyen que ce soit, de tombeaux, de sépulture ou de monuments édifiés à la mémoire des morts est punie d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende (…)”.

[25] La protection pénale du cadavre est cependant plus liée à celle de la dignité humaine qu’à la personne décédée. Voir en ce sens : J.-P. GRIDEL, “ Retour sur l’image du préfet assassiné : dignité de la personne humaine et liberté de l’information d’actualité ”, D. 2001. chron. 872, p. 873.

[26] C.E., 2 juillet 1993, Milhaud, D. 1994. 74, note J.-M. PEYRICAL ; JCP 1993. II. 22133, note P. GONOD ; RTD civ. 1993. 805, obs. J. HAUSER. Le Professeur Milhaud avait procédé sans aucune autorisation à une expérimentation sur un cadavre. Le Conseil d'Etat affirme que “les principes déontologiques fondamentaux relatifs au respect de la personne humaine, qui s'imposent au médecin dans ses rapports avec son patient ne cessent pas de s'appliquer après la mort de celui-ci ”. Il considère que la sanction disciplinaire prononcée à l'égard du médecin était justifiée. Depuis lors, la loi du 29 juillet 1994 a réglé la question des expérimentations sur les cadavres.

[27] G. LEYTE, “ Synthèse des travaux ”, D. 2000, supplément au n° 16, Journées Paris V, Quelques aspects du droit de la mort, p. 31 et s., spéc. p. 32.

[28] Expression rapportée notamment par B. BEIGNIER, “ Respect et protection du corps humain, Le mort ”, “ Articles 16 à 16-2 ”, J.-Cl. Civil, fasc. 72, 1997, n° 1.

[29] X. LABBÉE, Condition juridique du corps humain avant la naissance et après la mort, Presses Universitaires de Lille, 1990, p. 309. L’auteur présente l’ensemble des exemples historiques auxquels nous faisons référence.

[30] Trib. civ. Seine, 20 décembre 1932, Gaz. Pal. 1932, p. 323.

[31] Civ. 2ème, 17 juillet 1991, Bull. civ. II, n° 233, p. 122 ; RTD civ. 1992. 412. Voir cependant, Amiens, 26 novembre 1996, LPA 1997, n° 83, p. 34. Dans le domaine pénal, la Cour d’appel d’Amiens a refusé, dans une décision rendue le 26 novembre 1996, de qualifier de vol des prélèvements médicaux d’organes non autorisés par les parents. Selon elle, l'indisponibilité du corps humain faisait obstacle à toute propriété ou appropriation du corps humain.

[32] P.-Y. GAUTIER, observations précitées sous l’arrêt, RTD civ. 1992. 410, spéc. p. 411. L’auteur considère que “si l’on peut qualifier le cadavre de “chose”, il faut aussitôt ajouter “sacrée” (...), de sorte qu’enseveli ou pas, il reste hors du commerce ”.

[33] X. LABBÉE, Condition juridique du corps humain avant la naissance et après la mort, Presses Universitaires de Lille, 1990, p. 326. L’auteur conclut après de longs développements sur la question que “le cadavre de l’individu paraît faire l’objet d’un droit réel”.

[34] En ce sens, F. TERRÉ et D. FENOUILLET, Droit civil, Les personnes, La famille, Les incapacités, Précis Dalloz, 7ème éd., 1999, n° 32, p. 32. Les auteurs considèrent qu'  “il n'est pas étonnant que le corps humain sans vie soit considéré comme sacré. Cela ne signifie pas que le cadavre ne soit pas une chose, mais ce n'est pas une chose comme les autres en ce qu'elle est sacrée. C'est une chose, non une personne, de sorte qu'on ne saurait lui reconnaître un droit quelconque”.

[35]Trib. civ. Seine, 16 juin 1858, D. 1858. 2. 62.

[36] Crim., 20 octobre 1998, D. 1999. 106, note B. BEIGNIER.

[37] Paris, 24 février 1998, D. 1998. 225, note B. BEIGNIER.

[38] Civ. 1ère, 20 décembre 2000, D. 1999. 885, chron. 872, J.-P. GRIDEL.

[39] Voir en ce sens: J.-P. GRIDEL, “ L'individu juridiquement mort ”, D. 2000, supplément au n° 16, Journées Paris V, Quelques aspects du droit de la mort, p. 6.

[40] G. GOUBEAUX, Les personnes, in Traité de droit civil, sous la direction de J. Ghestin, LGDJ, 2ème éd., 1989, n° 57. De même, selon M. PUTMAN et Mme RINGEL (“ Après la mort... ”, D. 1991. chron. 241),  si la loi du 2 juillet 1923 permet la perpétuation du nom des citoyens morts pour la patrie, ce texte est “surtout motivé par le fait que le patronyme est l’honneur de la famille”.

[41] Voir cependant, P. KAYSER, “ Les droits de la personnalité, aspects théoriques et pratiques ”, RTD civ. 1971. 445, spéc. n° 39, p. 499. Pour l’auteur, “on se trouve en présence d’une de ces situations exceptionnelles où les deux éléments du droit subjectif, le pouvoir et l’intérêt appartiennent à des personnes différentes : le pouvoir, élément essentiel du droit est transmis aux ayants cause du défunt pour leur permettre d’assurer la protection des intérêts moraux de ce dernier”.

[42] Une autre question cruciale s'est aussi posée au législateur: celle de savoir quels pouvaient être les droits de la famille sur le cadavre dans le cas où un prélèvement d'organe pouvait être envisagé. La loi Caillavet du 22 décembre 1976 avait réalisé, pour certains, une expropriation pour cause d'utilité publique des cadavres puisque les prélèvements étaient largement permis. La loi du 29 juillet 1994 a accordé plus de droits aux familles. Toutefois, d'après le Code de la santé publique, on ne demande pas l'autorisation de la famille, mais plutôt son témoignage sur la volonté du défunt. En pratique, cependant, cela revient exactement au même puisque c'est la famille qui décide. Mais, comme pour la sépulture, c'est au nom de la volonté présumée du défunt que la famille décide.

[43] Voir en ce sens X. LABBÉE, dans sa note sous Douai, 7 juillet 1998, JCP 1998. II. 10 173, spéc. p. 1908. M. Labbée assimile le régime de l’urne funéraire au régime des souvenirs de famille. Il estime que de cette assimilation fonde la décision de la Cour d’appel de Douai, qui ordonne à la concubine de rendre l’urne funéraire contenant les cendres de son concubin aux parents.

[44] Pour une opposition à toute idée de propriété sur le cadavre, voir G. GOUBEAUX, Les personnes, in Traité de droit civil, sous la direction de J. Ghestin, LGDJ, 2ème éd., 1989, n° 54. L'auteur considère que “le cadavre n'est pas un objet de propriété. Hors du commerce, cette matière inanimée n'est pas un bien”.

[45] Arrêt cité par X. LABBÉE, Condition juridique du corps humain avant la naissance et après la mort, Presses Universitaires de Lille, 1990, p. 302.

[46] Arrêt cité par X. LABBÉE, Condition juridique du corps humain avant la naissance et après la mort, Presses Universitaires de Lille, 1990, p. 302.

[47] TGI Lille, 5 décembre1996, D. 1997. 376, note X. LABBÉE : “La dépouille mortelle fait l’objet d’une copropriété familiale, inviolable et sacré”. Le commentateur souligne que c’est en qualité de “copropriétaire de la dépouille” que le requérant a pu saisir le juge et invoquer l’article 16-2 (note préc., p. 377).

[48] Article 16-2 : “Le juge peut prescrire toutes mesures propres à empêcher ou faire cesser une atteinte illicite au corps humain, ou des agissements illicites portant sur des éléments ou des produits de celui-ci”.

[49] B. BEIGNIER, “ Respect et protection du corps humain, Le mort ”, “ Articles 16 à 16-2 ”, J.-Cl. Civil, fasc. 72, 1997, n° 16 et s.

[50] Douai, 7 juillet 1998, JCP 1998. II. 10 173, JCP 1998. II. 10 173, note X. LABBÉE. La Cour d’appel constate que l’existence d’un concubinage stable donne à la concubine la qualité pour organiser les obsèques du défunt. La concubine est en effet la mieux placée pour organiser les obsèques du défunt. Cependant, la Cour d’appel décide aussi que les cendres du défunt ne doivent pas être partagées entre les parents et la concubine et que l’urne doit être remise au père du de cujus.

[51] Voir cependant, pour un refus d’exhumation demandé par les deux parents, au nom du principe de la stabilité de la sépulture : Grenoble, 20 juin 2000, Droit de la famille 2001, n° 9, 9ème arrêt.

[52] TGI Lille, 25 janvier 2001, D. 2000. 2545, note X. LABBÉE. Dans cette affaire, un père et une mère s’opposaient quant au sort de la dépouille mortelle de leur enfant. Le corps de la jeune femme avait été inhumé provisoirement au cimetière et la mère, se prévalant du souhait de son enfant, demandait que l’on procède à une incinération et que l’urne lui soit remise. Le père s’opposait à l’exhumation. Le père de l’enfant de la jeune femme décédée s’associait à la demande de la mère. Le tribunal de grande instance de Lille accepte l’ensemble des requêtes. L’urne peut donc être conservée au domicile de la mère, “malgré la parfaite légitimité du regret exprimé” par le père.

[53] En ce sens : Versailles, 26 mars 1999., Droit de la famille, 2001, n° 9, 2ème arrêt où la Cour d’appel affirme que “le respect dû aux morts commande par ailleurs quand l’inhumation y a comme en l’espèce satisfait, de subordonner toute exhumation à la preuve de la conformité à la volonté du défunt” ; Toulouse, 4 septembre 2000, Droit de la famille, 2001, n° 9, 4ème arrêt dans lequel la Cour d’appel précise que “ le respect de la sépulture qui constitue le prolongement de la personne humaine, confère à celle-ci un caractère inviolable et immuable. L’inhumation doit donc être considérée comme définitive, sauf motif grave ou manifestation d’une volonté du défunt ”.

[54] Article R. 2213-9 du Code général des collectivités territoriales : “après la crémation d'un corps, l'urne (…) est remise à toute personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles”. L’urne peut être, d’après ce texte, déposée dans une sépulture, dans une case de columbarium ou scellée sur un monument funéraire. Elle peut aussi être déposée dans une propriété privée. Les cendres peuvent encore être dispersées en pleine nature mais non sur les voies publiques.

[55] D. DUTRIEUX, “ Liberté des funérailles, crémation et destination des cendres ”, Droit et patrimoine 2000, n° 79, p. 28 : “L’absence de risques en matière d’hygiène publique a eu pour conséquence l’adoption par le pouvoir réglementaire de dispositions largement permissives concernant la destination des cendres du défunt par rapport à celle de la dépouille mortelle -cette dernière connaissant pour destination obligatoire le cimetière. De même si le droit pénal protège le cadavre, les cendres et l’urne qui les contient ne connaissent qu’une protection indirecte dans l’hypothèse ou celle-ci est inhumée dans une concession ou scellée sur un monument funéraire”.

Un autre auteur (J.-F. AUBY, “ La crémation en France ”, LPA 1997, n° 23, p. 12 et s., spéc. p.13) observe que les familles ne savent parfois pas quoi faire de l’urne et tentent de s’en débarrasser par des moyens peu compatibles avec le respect dû aux défunts. Des urnes ont ainsi été retrouvées dans des décharges municipales.

[56] On peut citer à cet égard les législations étrangères parfois plus restrictives. Ainsi, la loi belge du 20 juillet 1971 impose l’inhumation des cendres au cimetière, leur conservation dans un columbarium, ou leur dispersion.

[57] En ce sens, X. LABBÉE, note sous TGI Lille, 25 janvier 2001, D. 2000. 2545. Selon l’auteur, “l’urne a vocation à bouger au gré des déménagements de son dépositaire ”. L’urne est un objet mobilier susceptible de devenir immeuble par destination. Immobilisée, elle peut être protégée par le droit pénal. Emportée par un membre de la famille, elle peut être mise “sur la cheminée ou le téléviseur”. M. LABBÉE s’interroge sur “le devenir de l’urne en cas de succession vacante ou refusée... ”. De nombreuses questions restent posées dans ce domaine.

[58] Cf. supra.

[59] TGI Lille, 23 septembre 1997, LPA 1999, n° 19, p. 8, note B. MORY et X. LABBÉE.

[60] Paris, 27 mars 1998, JCP 1998. II. 10113, note T. GARÉ ; D. 1998. 383, note P. MALAURIE ; Droit de la famille 1998, n° 93, note B. BEIGNIER ; LPA 1999, n° 197, p. 10, note C. BOURRIET et C. COUTANT.

[61] Dans l’affaire Ribes contre France du 11 juillet 2000 précitée, l’article 9 était aussi invoqué, mais la Commission n’avait pas autorisé les requérants à se prévaloir de cette disposition, car ils ne l’avaient pas invoquée devant les juridictions internes.

[62] Voir en ce sens, P. BELKHASSEM, La crémation: le cadavre et la loi, LGDG, 1997, Travaux de recherches Panthéon-Assas, 1997, p. 74. L'auteur cite ainsi Dieu dénonçant les faux prophètes à Jérémie et prescrivant de ne pas les ensevelir, de ne pas ensevelir leurs femmes et leurs enfants. On aurait aussi pu songer à évoquer, dans cette affaire, la Décrétale de Boniface VIII de 1299 qui interdisait le dépècement. Comme le souligne M. BEIGNIER, (“ Respect et protection du corps humain, Le mort ”, “ Articles 16 à 16-2 ”, J.-Cl. Civil, fasc. 72, 1997, n° 19), cette bulle a fait l’objet d’une interprétation erronée. On a cru, à tort, selon l’auteur, qu’elle interdisait l’anatomie ou la dissection des cadavres à des fins d’études.

[63] L'autopsie à des fins scientifiques est d'ailleurs interdite pour les musulmans et les israélites depuis un décret du 20 octobre 1947.

[64] Voir en ce sens l'opinion concordante du juge WILDHABER sous l’arrêt Stjerna c/Finlande (25 novembre 1994, série A, n° 299-B, en annexe de l’arrêt, p. 66, spéc. p. 67) Face à l'impossibilité de trouver un critère de distinction adéquat, le juge prône une unification. Il cite les affaires Gaskin, Keegan, Cossey et Stjerna et considère à cet égard que “la frontière entre obligations positives et obligations négatives manque parfois de netteté ”.

Dans le même sens, F. SUDRE, “ Les “ obligations positives ” dans la jurisprudence européenne des droits de l’Homme ”, RTDH 1995. 363, spéc. p. 381. L'auteur est favorable à une telle interprétation, qui aboutirait à considérer l’ingérence comme étant “une méconnaissance par l’Etat d’une obligation imposée à lui par la Convention, que cette obligation soit négative ou positive”.

[65] Sur la question des funérailles, voir E. MORIN, L’Homme et la mort, Paris : Seuil, 1970, p. 35 et s. coll. Points.

[66] La cryogénisation vient des Etats-Unis. Elle permet la conservation du cadavre qui baigne dans l'azote liquide. C'est une technique qui coûte très cher et qui ne peut être pratiquée en France qu’une fois la mort cérébrale constatée. Dans cette affaire, la mère n’avait pas demandé à être cryogénisée après sa mort. Les enfants entendaient seulement la garder ainsi près d’eux sans pouvoir s’appuyer sur la volonté posthume de la morte.

[67] TA Saint-Denis de la Réunion, 21 octobre 1999, JCP 2000. II. 10 287, note F. LEMAIRE.

[68] CAA Bordeaux, 29 mai 2000, JCP 2001. I. 336, n° 13-2, obs. C. BYK.

[69] L'article L. 2223-9 du Code général des collectivités territoriales prévoit que “Toute personne peut être enterrée sur une propriété particulière, pourvu que cette propriété soit hors de l'enceinte de la ville et des bourgs et à la distance prescrite”. Seul le Préfet peut délivrer l'autorisation d'inhumation dans chaque cas spécifique. Les lieux de sépulture autres que les cimetières sont soumis à l’autorité, à la police et à la surveillance des maires. Les maires veillent donc au respect des dispositions réglementaires, en particulier en ce qui concerne l’hygiène et la décence.

[70] On peut signaler que, peu après notre intervention au colloque du CREDHO, une autre affaire de congélation a attiré l’attention des journalistes (Le Monde, 15 mars 2002, p. 15). Un médecin, persuadé que les progrès de la médecine permettraient un jour de redonner vie à son épouse, avait congelé le corps de cette dernière, décédée le 25 février 1984 (Sur cette première congélation, voir Le Monde, 28 juillet 1984, p. 8). Les enfants du médecin avaient fait de même à la mort de leur père, le 22 février 2002, suivant en cela les volontés du de cujus. Le Préfet du département assigna les enfants en référé, le 6 mars, afin de pouvoir procéder à l’arrêt de l’alimentation électrique du congélateur et à l’inhumation des deux cadavres. L’avocat des enfants affirmait que rien dans la législation française ne permettait d’interdire ce type de pratiques qui ne portaient pas atteinte à l’hygiène ou à l’ordre public pas plus qu’à la décence. Le Président du Tribunal de Saumur, le 13 mars 2002, rend une ordonnance autorisant le Préfet à décongeler et à enterrer les cadavres. Il considère que le droit français ne prévoit que deux modes de sépultures : l’inhumation en terre ou la crémation. On peut ajouter à ces deux possibilités l’immersion en mer, qui a généralement lieu pour des décès en haute mer.

[71] Contra : F. LEMAIRE, dans sa note sous TA Saint-Denis de la Réunion, 21 octobre 1999, JCP 2000. II. 10 287, spéc. p. 651. L’auteur considère que le droit au respect de la vie familiale au sens de l’article 8 CEDH  pourrait fonder un droit “pour des enfants de vivre au côté de la dépouille de leur mère. (...) une telle interprétation n’est pas exclue lorsqu’on considère les effets attachés à la liberté de le vie privée qui englobe d’ailleurs la liberté de la vie familiale”.

 

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